La Chine a proposé, jeudi 18 janvier, un contrat à terme sur le pétrole libellé en yuans, la monnaie locale. L’objectif, écrit le site Mediapart dans une longue analyse mise en ligne le même jour, est de permettre aux acheteurs chinois de se couvrir contre les fluctuations de prix et de change. Ils paieront, en effet, leur approvisionnement en monnaie chinoise. Or, rappelle le site, le yuan n’est pas convertible. Pour contourner cet écueil, les Chinois promettent de payer leurs fournisseurs en or, si ces derniers le souhaitent.
Cette transaction, qui a stupéfait le microcosme financier mondial, apporte deux nouveautés majeures. La première étant le retour de l’or dans les transactions monétaires, après près d’un demi-siècle d’absence. La deuxième étant que la Chine offre en même temps à ses partenaires de convertir leurs avoirs en yuans en bons de Trésor chinois, ouvrant ainsi son marché obligataire à l’international.
Jamais Pékin n’avait lancé un tel défi au dollar roi, écrit Mediapart. Notons que depuis la Seconde Guerre mondiale, tous les contrats pétroliers, et par ricochet ceux des autres matières premières, sont libellés en dollars. Le choix du dollar comme monnaie de référence a contribué, affirme la même source, à assurer sa suprématie dans tous les échanges internationaux, apportant aux États-Unis une puissance hors norme.
Cela dit, rappelle le site, ce n’est pas la première fois que la Chine prend une telle initiative. En 2014, les gouvernements chinois et russe se sont entendus sur un contrat de livraison, par Gazprom, de 38 milliards de m3 de gaz à la Chine, à compter de 2018, payable en yuans ou en roubles. La Chine n’est d’ailleurs pas la première avoir tenté ce coup de force. La Libye avait déjà décidé, à la fin des années 1990, de ne plus vendre son pétrole qu’en euros. Plus récemment, le Venezuela, pour contourner l’embargo américain, a signé, il y a quelques semaines, un contrat de livraison de pétrole à la Chine payable en yuans. L’Iran s’est également dit favorable à une telle initiative.
D’autres pays qui ne sont pas en conflit avec les Etats-Unis seraient également intéressés. L’Arabie Saoudite, qui prévoit de réserver une place de choix à la Chine dans le tour de table d’Aramco, le géant public qui a le monopole de l’exploitation pétrolière (entre 2% et 5% du capital) en ferait partie. Mais les Saoudiens iraient-ils jusqu’à rompre leur pacte secret, conclu il y a 44 ans, avec les Etats-Unis, selon lequel ils ne vendent leur pétrole qu’en dollar? Ce pacte a d’ailleurs conduit à la création du système des pétrodollars et a assuré la suprématie de la monnaie américaine comme seule monnaie de réserve internationale. La question reste posée.
Les analystes se posent une autre question: par cette démarche, la Chine a-t-elle l’intention d’anéantir le dollar? La réponse est évidemment non. En tout cas pas à court terme. Ce pays, dont plus d’un tiers des excédents commerciaux, soit près de 1.300 milliards de dollars, sont placés en dettes, actions ou autre actifs américains, ne cherche tout de même pas sa propre ruine. Ce que Pékin veut, c’est donner à sa monnaie un statut monétaire international. Et cette volonté s’exprime de plus en plus ouvertement alors que sa puissance économique s’impose. Le yuan est, en effet, exclu, jusqu’à cette transaction, du marché pétrolier et des matières premières. Il n’est utilisé que dans 15 % des transactions commerciales internationales, selon les estimations du FMI. Un pourcentage ridicule comparé à sa domination commerciale mondiale.
Dans l’esprit des responsables chinois, écrit Mediapart, la construction d’un nouvel ordre monétaire international s’impose. Les autorités chinoises défendent ainsi l’idée d’un ordre partagé qui refléterait cette économie mondiale multipolaire émergeant depuis vingt ans. Une économie dans laquelle «le dollar aurait sa place, mais rien que sa place» et les réserves en or auraient un rôle à jouer. Une idée qui semble d’ailleurs de plus en plus partagée par d’autres pays.