Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ont décidé la semaine dernière lors d’un sommet d’intégrer six nouveaux membres, un «élargissement historique» selon le président chinois Xi Jinping. Le groupe cherche à gagner une plus grande influence pour contrebalancer celle des États-Unis et de l’Union européenne.
Alors que leurs dirigeants se réunissaient à Johannesburg, le président américain Joe Biden promettait de plaider en faveur d’une réforme des capacités de financement pour les pays émergents du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, lors d’un sommet à venir du G20 à New Delhi. Les États-Unis ont aussi pris soin d’insister sur le retrait russe de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes auprès des pays émergents.
Publiquement, Washington a minimisé l’élargissement des BRICS, se contentant de rappeler que les pays sont libres de choisir leurs partenaires. «Nous ne pensons pas que les BRICS vont devenir une sorte de rival géopolitique pour les États-Unis ou qui que ce soit d’autre», a assuré Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche.
«Alternatives»
Mais, selon les experts, cette expansion montre que les pays cherchent une nouvelle façon de satisfaire certains de leurs besoins économiques ou sécuritaires. Les nations émergentes veulent «des alternatives, pas des remplacements» du système dominé par les États-Unis, analyse Sarang Shidore, du Quincy Institute.
«Le message envoyé à Washington, c’est que ces disparités font mal et que nos pays ne font pas que s’en plaindre, (...) ils prennent des mesures pour tenter de les combler», ajoute-t-il. Les États-Unis commencent à prendre ces inquiétudes «au sérieux», selon M. Shidore. «Mais ce sont des discours, est-ce qu’ils sont accompagnés par des chèques?»
L’ajout aux BRICS le plus inquiétant pour Washington est celui de l’Iran, qui voit son adhésion comme une façon de sortir de l’isolement international imposé par les États-Unis. Mais les nouveaux membres ne sont pas d’accord sur tout. Parmi eux se trouvent trois pays arabes entretenant des rapports difficiles avec Téhéran (l’Égypte, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis).
Les BRICS ont toujours été une alliance hétéroclite, non épargnée par les tensions. La Chine a une relation complexe avec l’Inde, qui se rapproche des États-Unis tout en revendiquant son autonomie.
Même si les BRICS ont, dans un communiqué, soutenu une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, priorité majeure pour l’Inde et le Brésil, peu s’attendent à ce que cela soit accepté par la Chine et la Russie, qui y disposent d’un droit de veto.
Moins homogène?
Henry Tugendhat, économiste à l’Institut des États-Unis pour la paix, considère que Pékin, en voulant élargir les BRICS, a rendu ce bloc encore moins homogène. Pour Colleen Cottle, ancienne analyste de la CIA qui travaille au think tank Atlantic Council, l’expansion des BRICS est «davantage une question de forme» visant à montrer que les pays émergents s’allient, que des plans de collaboration concrets. Malgré cela, cet élargissement montre une envie de changement, selon elle.
Les États-Unis ont besoin d’une stratégie plus efficace que leur insistance à travailler avec des «pays aux vues similaires», estime Colleen Cottle. Mais il est peu probable qu’une approche comme celle de Pékin, qui investit beaucoup dans les infrastructures des pays émergents, fonctionne pour Washington, ajoute-t-elle. «Il faut avoir un ensemble cohérent -une vision claire à long terme et des fonds pour la soutenir».