Le pays de 11,3 millions d’habitants, profondément marqué par ses populations autochtones et riche en lithium, se rend aux urnes las du manque de dollars, de carburant et de produits alimentaires.
L’inflation annuelle a frôlé 25% en juillet, un niveau inédit depuis au moins 2008.
Rendu responsable de la débâcle, le président Luis Arce a renoncé à briguer un deuxième mandat.
«Notre situation est vraiment (...) catastrophique. Notre monnaie s’est dépréciée, les salaires ne suffisent pas, tout est très cher», témoigne Freddy Millán, un ingénieur de 53 ans de Santa Cruz, poumon économique du pays.
Le millionnaire de centre-droit Samuel Doria Medina, 66 ans, et l’ancien président de droite Jorge Quiroga, 65 ans, sont en tête des intentions de vote parmi les huit candidats en lice.
Au coude-à-coude, les deux favoris devraient s’affronter lors d’un second tour le 19 octobre.
Tous deux promettent de tourner la page du modèle économique étatiste mis en place par le Mouvement vers le socialisme (MAS), au pouvoir depuis près de 20 ans.
Pendant des années, la croissance du pays a reposé sur ses exportations de gaz naturel. Mais la baisse constante de la production depuis 2017 a réduit les revenus, aggravant la pénurie de dollars et alimentant la crise économique.
Un contexte défavorable qui contribue à plonger la gauche vers ce qui pourrait être son pire fiasco électoral depuis son arrivée au pouvoir en 2006 sous la houlette de l’ex-président Evo Morales, qui a gouverné jusqu’en 2019 avant de soutenir la victoire de son ancien ministre Luis Arce en 2020.
Volonté de changement
Empêché par la limite des mandats et visé par un ordre d’arrestation dans une affaire de traite de mineure qu’il conteste, Evo Morales n’a pas pu se représenter et encourage le vote «nul».
Figures de la gauche, le candidat du MAS, Eduardo Del Castillo, et le président du Sénat, Andrónico Rodríguez, tous deux âgés de 36 ans, sont à la traîne dans les sondages.
Les luttes intestines entre MM. Morales et Arce au cours des derniers mois ont profondément divisé le MAS et provoqué des manifestations avec blocages de routes, paralysant plusieurs régions et aggravant la crise économique.
La crise nous a «totalement affectés (...) Je pense que nous essayons tous de changer cette situation», déclare Alejandra Ticona, une étudiante en droit de 24 ans de La Paz.
Bien qu’elle reconnaisse que la gauche a autrefois aidé les paysans, comme sa propre famille, elle souhaite aujourd’hui que l’un des deux favoris remporte le scrutin.
Sous la présidence d’Evo Morales, la Bolivie a triplé sa production intérieure, réduit la pauvreté de 60% à 37% et inclus la population indigène dans la redistribution du pouvoir et des richesses.
Mais ce bilan s’efface maintenant derrière une crise économique devenue la préoccupation majeure des Boliviens.
Dans ce contexte, MM. Doria Medina et Quiroga promettent un plan de choc avec des coupes dans les dépenses publiques et une plus grande ouverture aux investissements privés.
«Une nouvelle étape va commencer», a récemment déclaré M. Doria Medina à l’AFP. M. Quiroga a, lui, promis un «changement radical» du modèle économique.
Après 20 ans au pouvoir, «le gouvernement ne peut tout simplement pas rejeter la responsabilité de la crise sur quelqu’un d’autre», estime Pablo Calderón, professeur d’études internationales à la Northeastern University de Londres.
Mais, selon lui, si la droite l’emporte, elle devrait éviter les «virages à 180 degrés» dans l’immédiat, notamment concernant les programmes sociaux qui ont permis à de nombreux Boliviens de sortir de la pauvreté.
Pour Glaeldys Gonzalez, analyste du Crisis Group, l’opinion publique est toutefois prête au «changement»: libéraliser l’économie et réduire le rôle de l’Etat sont à présent des pistes largement acceptées, selon elle.
Près de huit millions d’électeurs sont appelés aux urnes dimanche, lors d’un vote obligatoire.








