"Je dois changer fondamentalement en tant que dirigeant, et grandir. C'est la première fois que je l'admets, j'ai besoin d'aide": le quadragénaire vient de devoir faire d'humiliantes excuses et d'accepter la recherche d'un numéro deux pour l'épauler, après une avalanche d'événements embarrassants.
On l'a vu récemment, dans une vidéo devenue virale, se quereller avec un chauffeur travaillant pour son propre service de réservation de voiture.
Début février, empêtré dans la polémique sur la politique migratoire de Donald Trump, il a dû démissionner en catastrophe d'un forum de grands patrons censé conseiller le nouveau président américain.
Ces dernières semaines, Uber a aussi été accusé d'encourager un climat sexiste et toxique dans l'entreprise, d'avoir volé des technologies sur les voitures autonomes, d'utiliser un logiciel secret pour permettre à ses chauffeurs d'éviter les autorités...
Certains analystes y voient la preuve du manque de maturité du patron de l'entreprise, n'excluant plus son remplacement.
Travis Kalanick, né en 1976 à Los Angeles où il a grandi et fréquenté l'université locale UCLA, n'en est pas à sa première tempête.
Dans la lignée d'autres fameux créateurs d'entreprises technologiques, il faisait de la programmation informatique dès l'école et a abandonné ses études après avoir créé une startup avec des camarades d'université.
Cette première entreprise, Scour, est un précurseur et plus tard concurrent de Napster, permettant de rechercher et d'échanger de la musique et des vidéos en ligne. Fondée en 2007, elle survit seulement trois ans: les industries américaines du cinéma et de la musique l'acculent à la faillite en lui réclamant en justice la bagatelle de 250 milliards de dollars.
Travis Kalanick co-fonde ensuite, en 2001, Red Swoosh, toujours centrée sur le partage de fichiers en ligne. Il rencontre des difficultés financières, mais vend finalement l'entreprise au groupe informatique Akamai en 2007, devenant ainsi millionnaire à 30 ans.
L'idée d'Uber serait ensuite née un soir de l'hiver 2008 à Paris: Travis Kalanick et l'autre fondateur de la startup, Garett Camp, ne trouvent pas de taxi et imaginent d'appuyer sur un bouton sur leur téléphone pour trouver un chauffeur.
Cela se concrétise par la création d'UberCab l'année suivante à San Francisco, où le service démarre courant 2010.
Sept ans plus tard, l'entreprise a raccourci son nom mais s'est étendue à plus de 500 villes à travers le monde. Uber a dû abandonner le marché chinois en 2016, mais affiche une valorisation de 68 milliards de dollars. Et la fortune de son patron est estimée par Forbes à 6,3 milliards.
Travis Kalanick justifie son style de direction en expliquant s'être endurci après les difficultés de ses premières entreprises. Mais il ne s'est pas fait que des amis.
Uber s'est mis à dos les taxis qui voient en lui leur mort programmée, les régulateurs de nombreux pays qui cherchent à lui faire barrage, et même ses propres chauffeurs qui réclament de meilleures rémunérations ou un statut plus protecteur.
On l'a accusé d'organiser des commandes de fausses courses au concurrent Lyft, d'utiliser un logiciel secret, "God View", pour espionner les déplacements des utilisateurs, ou, souvent, de sexisme, notamment quand Travis Kalanick plaisante sur ses conquêtes féminines dans une interview et surnomme l'entreprise "Boob-er" (boob: sein en anglais).
Le patron d'Uber a pris l'habitude de passer en force, d'ignorer les critiques et les régulateurs. Quelle crédibilité accorder dans ce contexte à son récent mea culpa?
En 2014, il s'était déjà excusé après qu'un vice-président d'Uber, Emil Michael, eut menacé de chercher des éléments compromettants dans la vie privée de journalistes pour faire taire leurs critiques. Travis Kalanick avait dénoncé des commentaires "calamiteux", mais pas licencié leur auteur.
En 2015, lors d'un discours au siège d'Uber rapporté en partie par le Wall Street Journal, il reconnaissait être "un avocat passionné d'Uber", ajoutant: "certains utilisent un autre mot commençant par un c pour me décrire. Je serai le premier à admettre que je ne suis pas parfait, et cette entreprise non plus".