Fort de ses précieux carnets, dans lesquels il notait tout au jour le jour, il avait contredit en octobre 2009, devant le tribunal, l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin. Ce dernier était alors soupçonné d'avoir participé à une machination visant notamment Nicolas Sarkozy, dont le nom était apparu sur des listings falsifiés de la société luxembourgeoise Clearstream.
Jusque là, le nom de ce général de division était surtout connu pour son rôle dans la traque et la capture du terroriste Carlos en 1994 et celle des criminels de guerre de l'ex-Yougoslavie.
Le général Rondot avait quitté le 31 décembre 2005 son poste de conseiller du ministre de la Défense pour le renseignement et les opérations spéciales (Cros). Pour marquer sa carrière, le président Jacques Chirac l'avait élevé en janvier 2006 à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur.
Longtemps, le seul portrait de cet homme de grande taille, sec, le visage austère et le crâne rasé, la voix douce et posée, avait été une vieille photo d'identité en noir et blanc. Il avait fallu attendre les perquisitions à son domicile et ses premières auditions au printemps 2006 par les juges chargés de l'affaire Clearstream pour voir cet homme de l'ombre sous la lumière des caméras.
Cette discrétion était également de mise à l'Hôtel de Brienne, au cabinet du ministre de la Défense, où certains l'avaient surnommé "le général R". Le général Rondot y occupait sous les combles un petit bureau anodin où il passait peu de temps, préférant les contacts sur le terrain. Son bureau était tout proche du "cabinet réservé", chargé du suivi des affaires de renseignements pour le ministre de la Défense, mais il n'entretenait que peu de relations avec ce service.
Philippe Rondot, confiait en 2009 à l'AFP l'ancien chef d'un service de renseignements, agissait "souvent en franc-tireur en court-circuitant" les services sous la tutelle organique du ministère: Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Direction du renseignement militaire (DRM) et Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD, ex-Sécurité militaire).
Officier parachutiste, Philippe Rondot était entré trois ans après sa sortie de Saint-Cyr en 1965 au service action du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece), devenu DGSE. Doté d'un carnet d'adresses impressionnant, arabophone, le général Rondot, fils d'un général également dans le renseignement et spécialiste des questions arabes, a toujours entretenu sa connaissance encyclopédique des hommes et des services secrets des pays arabes, tissant de solides réseaux. Il en a tiré un autre de ses surnoms, celui de "colonel Lawrence".
Fait unique pour un militaire, il avait rejoint la Direction de la surveillance du territoire (DST, service de police) en 1980, après quinze ans passés au Sdece. Il a aussi longtemps conseillé les ministres de la Défense de droite comme de gauche. Il avait été appelé pour la première fois à l'Hôtel de Brienne par Pierre Joxe, avec qui il avait été auditeur (1983-1984) à l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
Il a joué un rôle déterminant dans la libération d'otages français à Beyrouth en 1986 et dans l'accueil en France du général chrétien libanais Michel Aoun.
En quittant l'Hôtel de Brienne, il avait déposé ses archives privées au service historique de la Défense à Vincennes, dont des centaines de ses fameux carnets, dans lesquels il notait chaque jour, d'une écriture fine, rencontres et entretiens.