Le Commissaire algérien à l'Union africaine, reconduit en janvier dernier à la tête de la commission Paix et sécurité via des voies interlopes, refait parler de lui à travers une nouvelle manoeuvre destinée à transformer cette structure panaficaine (60% du budget de l'UA) en instrument d'exécution de l'agenda de son pays. Echaudé par le rejet de la "médiation" algérienne par le parlement de Tobrouk, qui a clairement dénoncé dernièrement "l'ingérence" de son pays dans le conflit inter-libyen, traduite par les visites ubuesques du ministre algérien chargé des Affaires de l'UMA, de l'UA et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, le commissaire algérien à la Paix et la sécurité (UA), le dénommé Ismaïl Chergui, semble trouver la parade en orchestrant une instrumentalisation de cette structure, restée un monopole algérien depuis la création de l'UA le 26 mai 2001, pour servir les desseins glauques de son pays en Libye.
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C'est en tout cas ce qui ressort de la sortie de Ismaïl Chergui, pas plus tard qu'hier jeudi 18 mai, à l'occasion d'un séminarium organisé à Alger. "Plus de 60 millions d'armes en Libye, auxquelles s'ajoutent des armes très sophistiquées transférées vers le sud du Mali", a-t-il détonné, en se lançant dans une diatribe tiers-mondiste contre "l'égoïsme de l'Occident" et "certains pays arabes (qui) n'ont pas aidé à sortir la Libye de la crise". "La Libye est un pays riche. Chacun des Etats européens a son propre envoyé spécial pour la Libye qui défend ses intérêts. On a imposé aux Libyens des solutions qui n'ont pas mené loin", a-t-il chargé, sans oser bien sûr édifier le commun des séminaristes présents sur l'implication de ses maîtres galonnés dans la chaosphère libyenne, pour ne pas parler de la poudrière sahélo-saharienne où le rôle interlope des services algériens n'est plus à démontrer.
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Mais passons, car la question est ailleurs. Le commissaire algérien veut transformer la principale commission de l'Union africaine, en instrument d'exécution de l'agenda extérieur de son pays bercé de l'illusion d'un hégémonisme en toc et qui n'a aucun réel impact sur le cours des événements, en dehors de cette capacité de nuisance et de cette stratégie de sape de tous les efforts constructifs déployés à l'échelle régionale et à l'international pour pacifier une région devenue, au fil des manigances, un véritable baril de poudre.
Une manoeuvre qui en appelle au moins une remarque. En invoquant un rôle de la commission Paix et sécurité, dont il a "hérité" en 2013, après le désistement de son patron Ramtane Lamamra, devenu dès lors ministre des Affaires étrangères, le dénommé Ismaïl Chergui se contredit de manière flagrante en se faisant l'avocat de davantage d'interventionnisme dans le conflit libyen, celui-là même qu'il a dénoncé du haut de son anti-occidentalisme ! A moins de prendre la commission Paix et sécurité pour une succursale de la "DSS" (direction des services de sécurité), fraîchement créée et entérinée par décret présidentiel sur les ruines du défunt Département du renseignement et de la sécurité (DRS), M. Chergui ne semble pas prendre la mesure de la gravité de "sa" proposition. Il paraît ignorer que les protagonistes du conflit libyen, -le chef du gouvernement d'union nationale, Fayez Seraj, et le général Haftar (homme fort de l'est libyen)-, s'opposent à toute intervention dans leur pays, sous la bannière de l'ONU ou de l'UA, à plus forte raison celle de l'Algérie à laquelle le parlement de Tobrouk s'est opposé ouvertement.
Un rejet de tout rôle algérien dans les efforts de médiation dans le conflit inter-libyen, dont les protagonistes se tournent vers l'Egypte où ils prévoient de se rencontrer courant mai, après leur réunion en début mai à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis. Un véritable camouflet pour Alger, qui cherche, à travers son commissaire à l'UA, à s'en venger, en voulant désormais imposer une intervention de l'Union africaine, précisément la commission Paix et sécurité, détournée par ses commissaires algériens, Lamamra et Chergui compris, de sa véritable mission d'instrument de stabilisation pour devenir le fer de lance de la politique hostile des apparatchics algériens qui semblent faire leur cette devise: "diviser pour mieux régner".