"Tous les acteurs vont se réunir demain matin pour lancer la bonne nouvelle au monde entier", a affirmé M. Boni Yayi, samedi soir à l'issue de deux jours d'entretiens avec tous les acteurs de la crise au Burkina Faso. Le président béninois a laissé entendre lors d'une réponse entrecoupée - "Oui, oui, au retour dans la Transition" - que cette "bonne nouvelle" pourrait être "un retour" aux institutions en place avant le coup de force du Régiment de sécurité présidentielle (RSP).
M. Boni Yayi, qui s'est entretenu à plusieurs reprises avec le général putschiste Gilbert Diendéré, un proche de l'ancien président déchu Blaise Compaoré, a notamment souligné : "Je suis en mesure de dire qu'il (le général) a le sens des responsabilités" et "qu'il est dans de bonnes dispositions, en ligne avec les discussions que nous avons eues avec les forces vives de la Nation".
M. Boni Yayi, qui s'envolait en soirée, laissant le président sénégalais Macky Sall à Ouagadougou, a dit vouloir "rassurer", estimant que "tout le monde" était dans "de bonnes dispositions pour que la paix sociale et la cohésion reviennent". Sauf surprise, un accord a donc été trouvé ou est tout proche de l'être.
Le général Diendéré s'est aussi montré rassurant samedi soir, déclarant à des journalistes : "Nous allons en reparler demain (dimanche). Je n'ai jamais dit que j'allais conserver le pouvoir. Je l'ai toujours dit : je ne suis pas accroché à quoique ce soit (...). C'est une question de modalités maintenant", a-t-il conclu.
Arrivés vendredi à Ouagadougou, Macky Sall, dirigeant en exercice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), et M. Boni Yayi ont rencontré vendredi et samedi tous les acteurs de la crise? "pour des consultations décisives sur un schéma de sortie de crise qui pourrait très fortement conduire au retour du président Kafando", selon un communiqué de la présidence sénégalaise envoyé samedi à plusieurs médias.
Une source diplomatique étrangère à Ouagadougou a confirmé ce scénario à l'AFP. "Ce qui est envisagé et qui va être fait, c'est le maintien de Kafando à la tête de l'État et du gouvernement pour terminer la transition. Diendéré devrait donc partir", a assuré cette source.
Interrogé par l'AFP sur les efforts pour le retour du président de transition, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, a répondu : "Oui, c'est ce qu'on tente d'obtenir". Rien ne filtrait en revanche sur les éventuelles garanties ou contreparties offertes aux putschistes. Selon un dernier bilan hospitalier, les violences qui ont accompagné le coup d'Etat ont fait au moins 10 morts et 113 blessés. Les syndicats burkinabés évoquaient quant à eux "au moins une vingtaine de morts par balles", alors que la tension restait vive dans la capitale Ouagadougou.
Le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité d'élite de l'armée, forte de 1.300 hommes et dirigée par le général Diendéré, a pris le pouvoir jeudi en accusant les autorités d'avoir dévoyé le régime de transition post-Compaoré, notamment en excluant les partisans de l'ex-homme fort des élections prévues le 11 octobre.
Plus tôt samedi, les deux présidents africains chargés de la médiation avaient enchaîné les consultations avec les acteurs politiques, syndicaux et de la société civile burkinabée, qui réclament à l'unisson le départ des putschistes et l'organisation des élections censées faire sortir le pays de la transition entamée fin 2014.
Barrages routiers et pneus brûlés
Un peu partout à travers le Burkina Faso, des habitants, souvent des jeunes, ont érigé des barrages routiers et brûlé des pneus, paralysant la circulation et le pays pour mettre la pression sur les putschistes. "On a dit que c'est "ville morte", donc personne ne passe ici!", expliquait Souleiman Kabore, un jeune posté à un barrage à l'entrée ouest de Ouagadougou. "L'économie ne doit pas fonctionner tant que Diendéré est au pouvoir !".
Dès la nuit de vendredi à samedi, les maisons de deux anciens proches de l'ex-président Blaise Compaoré - Simon Compaoré, ancien maire de Ouagadougou et Salif Diallo qui ont tous deux rejoint les rangs de l'opposition en 2014 - avaient été saccagées. Le président de l'Assemblée du régime renversé, Cheriff Sy, avait appelé vendredi la population à la mobilisation, tout comme le mouvement "Balai citoyen", en pointe dans le soulèvement populaire contre M. Compaoré l'an dernier.
Vendredi, l'Union Africaine (UA) avait annoncé la suspension du Burkina Faso ainsi que des sanctions à l'encontre des putschistes. Le Burkina Faso a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d'État militaires. Le général Diendéré avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir Blaise Compaoré et s'était soldé par la mort du président Thomas Sankara.