A dix semaines seulement de la sortie prévue de l'Union européenne, le 29 mars, la dirigeante conservatrice doit trouver une voie pour éviter à la cinquième économie mondiale une rupture sans accord, synonyme de risques de pénuries, d'embouteillages monstres aux abords des ports et d'effondrement de la livre. Et ce alors que plusieurs groupes de députés ont prévu de tenter de court-circuiter son gouvernement, pour éviter un "no deal" ou reporter la date de sortie.
Affichant sa volonté de dégager un consensus politique, Mme May a rencontré au cours des derniers jours des dirigeants de l'opposition, ainsi que de nombreux députés de son parti et des responsables du parti unioniste nord-irlandais DUP, son allié au Parlement. Mais son initiative a fait flop, l'opposition dénonçant son intransigeance et notamment son refus d'écarter l'éventualité d'une sortie de l'UE sans accord.
Selon le Sunday Times, Mme May projette de proposer un traité bilatéral à l'Irlande, afin de surmonter l'un des principaux points de blocage de l'accord de sortie, la solution dite du "filet de sécurité" (ou "backstop").
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Cette disposition, destinée à éviter le retour d'une frontière physique entre l'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord et qui n'entrerait en vigueur qu'en dernier recours, prévoit une union douanière minimale entre le Royaume-Uni et l'UE, avec en sus, pour l'Irlande du Nord, un alignement sur certaines réglementations européennes en matière sanitaires et de taxes.
Mais il faudrait convaincre l'UE, qui a toujours dit qu'elle refuserait de rouvrir la discussion sur le "Traité de retrait". Quant à Dublin, le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney a répété dimanche, dans un tweet, que son pays était "absolument" attaché à l'ensemble du traité, "y compris le backstop".
Selon le Daily Telegraph, Theresa May réfléchirait même à modifier les accords du Vendredi Saint, qui avaient mis fin à la sanglante période des Troubles en Irlande du Nord, afin d'y inscrire que le Royaume-Uni s'engage à l'absence de frontière terrestre en Irlande. Cela lui permettrait à Londres de contourner le "filet de sécurité".
Les députés britanniques pourront amender le "plan B" proposé lundi par Mme May, avant un débat et un vote qu'elle a fixés au 29 janvier, à deux mois tout juste du Brexit. Alors que l'opposition a accusé la Première ministre de jouer la montre, pour les forcer à accepter son accord, au moins deux groupes de députés transpartisans prévoient de déposer des amendements pour tenter de prendre la main sur le dossier.
L'un d'eux veut empêcher le scénario d'une sortie sans accord tandis que le second, mené par le député conservateur rebelle Dominic Grieve, viserait à suspendre le processus de sortie de l'UE.
Downing Street a qualifié ces projets d'"extrêmement inquiétants". Le ministre britannique du Commerce extérieur, Liam Fox, a mis en garde contre le risque de "tsunami politique" si les députés ne respectaient pas le résultat du référendum de juin 2016.
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Cependant, pour le député travailliste Hilary Benn, qui préside le comité chargé du Brexit à la Chambre des Communes, ces initiatives ne visent qu'à "trouver une solution à la pagaille créée par la Première ministre".
Face à l'impasse dans laquelle Mme May est engagée, le quotidien The Guardian estime qu'"elle doit soit trouver des alliés, et dans ce cas faire des compromis, ou d'une façon ou d'une autre réinitialiser le processus du Brexit, ce qui exigera encore plus d'audace".
L'ancien Premier ministre conservateur John Major a tenté de voler à son secours au cours du week-end en lui suggérant d'arrêter de prêter l'oreille aux partisans d'un Brexit dur au sein des Tories pour jouer le rôle de "médiatrice" et de permettre aux députés de voter sur différentes options afin de déterminer quel scénario de sortie de l'UE peut obtenir le soutien d'une majorité.
Il lui a aussi enjoint d'abandonner ses "lignes rouges", parmi lesquelles son refus de rester dans le marché unique, un choix destiné à limiter l'arrivée d'immigrés en provenance des autres pays de l'UE.