"Bien sûr que le gouvernement de Correa est mal à l'aise", a déclaré à l'AFP Mauricio Gandara, ex-ambassadeur de l'Equateur au Royaume-Uni.
Selon cet expert en relations internationales, en décidant de restreindre l'accès à internet d'Assange, Quito tente de "réparer les dégâts" causés à son image par le fait de protéger quelqu'un comme le fondateur de WikiLeaks, dont les récentes publications ont affecté la candidate démocrate à la Maison Blanche, Hillary Clinton.
Depuis le 7 octobre, WikiLeaks a divulgué des documents subtilisés dans les courriers électroniques de John Podesta, chef de campagne de Mme Clinton, dont trois discours de l'ex-secrétaire d'Etat rémunérés par la banque Goldman Sachs, mettant en lumière ses liens avec Wall Street.
Julian Assange, 45 ans, est réfugié à l'ambassade équatorienne depuis juin 2012 pour éviter d'être extradé en Suède, où il est sous le coup d'un mandat d'arrêt dans le cadre d'une enquête pour viol, après la plainte déposée par une Suédoise en 2010.
Le fondateur de WikiLeaks nie les faits, dénonçant une manoeuvre pour l'extrader vers les États-Unis, qui veulent le juger pour la diffusion d'informations secrètes.
"L'Equateur, dans l'exercice de sa souveraineté, a restreint temporairement l'accès à une partie de son système de communications dans son ambassade au Royaume-Uni", avait admis mardi le ministère équatorien des Affaires étrangères, ajoutant que "cette restriction temporaire n'empêche pas que l'organisation WikiLeaks mène à bien ses activités journalistiques".
Pour le politologue Santiago Basabé, "la situation de l'Equateur est compliquée".
Le gouvernement du président Correa "est pris entre la pression d'Assange (...) et la pression des Etats-Unis pour éviter que des informations éventuellement gênantes soient diffusées", explique ce professeur de la Faculté latino-américaine de Sciences sociales (Flacso).
Dans une série de tweets entre lundi soir et mardi matin, Wikileaks, citant de "multiples sources américaines", avait accusé l'Equateur d'avoir interrompu la connexion internet de M. Assange et le secrétaire d'Etat américain John Kerry d'être intervenu en ce sens auprès de M. Correa, en marge de la signature de l'accord de paix entre Bogota et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) le 26 septembre.
Le département d'Etat des Etats-Unis a démenti ces accusations.
"Même si nous sommes depuis longtemps préoccupés par Wikileaks, tout ce qui laisserait penser que le secrétaire d'Etat Kerry ou le département d'Etat seraient impliqués dans la fermeture (de la connexion internet du fondateur) de Wikileaks est faux", a affirmé mardi le porte-parole de la diplomatie américaine, John Kirby.
"La politique extérieure de l'Equateur (...) ne cède pas aux pressions d'autres pays", a pour sa part souligné mardi le ministère équatorien des Affaires étrangères, ajoutant qu'il "ne s'immisce pas dans les processus électoraux en cours, ni ne soutient un candidat en particulier".
Consulté par l'AFP, le ministère s'est refusé à tout autre commentaire.
A plusieurs reprises, le socialiste Correa a exprimé publiquement sa préférence pour Mme Clinton face au candidat républicain Donald Trump.
"Au dernier moment, alors que l'information était déjà diffusée, le gouvernement s'est inquiété car Mme Clinton va probablement gagner et pourrait le lui faire payer", estime l'ex-ambassadeur Mauricio Gandara.
Pour Daniel Montalvo, autre politologue, la réaction de Quito pourrait être appréciée de Washington car "bien qu'il offre l'asile à Assange, le gouvernement s'assure qu'il n'y ait pas d'interférence de WikiLeaks dans les élections" aux Etats-Unis.
Selon M. Basabé, la crise économique que traverse actuellement l'Equateur "est un facteur supplémentaire" qui a mené le gouvernement à prendre cette décision, étant donné qu'il négocie des emprunts auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, deux institutions au sein desquelles le gouvernement américain pèse lourd.