Le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général de division Said Chengriha, vient de choisir l’un de ses bras droits et confidents, le général-major Mohamed Salah Benbicha, pour occuper le poste de secrétaire général du ministère de la Défense, dont le patron n’est autre, sur le papier du moins, que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
C’est connu, en Algérie, ce n’est pas forcément le président de la République, ministre de la Défense et chef suprême des forces armées, qui nomme aux postes clés du pays, mais bel et bien son subalterne, le chef d’état-major de l’armée, qui concentre entre ses mains la réalité des pouvoirs politique, économique et militaire. Le président civil n’est en somme qu’un artifice visant à servir de façade à l’Etat militaire illégal. Une réalité amère que le Hirak a vite fait de pointer du doigt à travers son slogan-phare scandé sans relâche depuis plus de deux ans: «Dawla madania, machi askaria» (Etat civil et non militaire).
«Conformément au décret présidentiel du 11 mars 2021, j'installe officiellement le général-major Mohamed Salah Benbicha dans les fonctions de secrétaire général du ministère de la Défense nationale par intérim, en remplacement du général-major Abdelhamid Ghris», a affirmé Chengriha ce 15 mars, lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, selon l’agence de presse officielle algérienne, APS.
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A aucun moment, l’APS n’a trouvé bizarre que le chef d’état-major de l’armée algérienne se charge de renvoyer le secrétaire général du MDN, de nommer son remplaçant et de présider la cérémonie de son installation, alors qu’il s’agit là d’une mission éminemment politique, qui ne relève en rien de la compétence d’un chef d’état-major de l’armée. D’ailleurs, ce dernier a tout simplement installé son supérieur hiérarchique, administrativement parlant, qui plus est en l’absence de tout représentant de la présidence ou du gouvernement dont relève ledit département.
Il n’empêche que ce changement au ministère de la Défense était prévisible, puisqu’en janvier dernier, un document estampillé «secret» et signé par le général-major Abdelhamid Ghris a été largement éventé sur les réseaux sociaux.
Le pire est que ce document secret, datant du 30 décembre dernier, reconnaît l’existence d’une «grave hémorragie», en termes de défections, qui est en train de vider l’armée algérienne de ses hommes de troupes. Ce désengagement massif est révélateur d’un moral au plus bas au sein de la grande muette où les demandes de démobilisation se sont multipliées à un rythme «inquiétant ces deux dernières années», explique ce document portant l’en-tête du ministère algérien de la Défense.
Or, compte tenu de l’état de santé du président Abdelmadjid Tebboune, absent du pays et hospitalisé pour la deuxième fois en Allemagne au moment de la fuite de ce document secret, le renvoi de Ghris n’a été officialisé que ce 15 mars, afin de l’attribuer à un décret présidentiel et non à un oukase de Said Chengriha qui en est le véritable initiateur. D'autant que le général-major Benbicha qu’il vient d’installer au MDN n’est autre que l’un de ses bras droits et complices en matière de corruption.
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En effet, du temps où le défunt général Gaïd Salah était l’homme fort de l’armée et du pays, Chengriha et Benbicha étaient des visiteurs assidus de l’adjudant-chef Guermit Bounouira, secrétaire particulier de l’ancien vice-ministre de la Défense. Pour obtenir des faveurs et autres promotions, ils n’hésitaient pas à couvrir le sous-officier de cadeaux et autres prébendes sonnants et trébuchants, au point d’en faire un nanti, malgré son grade moyen.
C’est d’ailleurs pour cette raison que les deux complices ont tout mis en œuvre pour extrader Bounouira à partir de la Turquie vers laquelle il a fui avec de nombreux documents secrets après la mort de son patron. Mais avant sa remise aux autorités algériennes, Bounouira a pris le soin de divulguer aux Turcs et à certains opposants algériens en exil certaines magouilles des généraux, dont celles de Said Chengriha et Mohamed Salah Benbicha, dont le fils, Adil, a fait fortune grâce au précieux concours de son père qui lui a ouvert toutes grandes les portes du juteux marché des équipements militaires.
Comme quoi le MDN reste toujours entre de mauvaises mains qui le gèrent en vase clos. Et tant pis pour le moral des troupes qui est au pus bas et pour le Hirak qui dénonce les généraux qui ont… «mangé le pays».