Algérie. Pour «Le Monde», la démission de Bouteflika ne lève pas toutes les incertitudes

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Cédant aux pressions de la rue, le chef de l’Etat algérien accélère le calendrier de sa retraite politique, mais sa volonté affichée de maîtriser la transition risque de relancer la protestation, affirme ce 2 avril le quotidien français «Le Monde».

Le 02/04/2019 à 15h27

Pour la publication française, l’annonce de la démission de Abdelaziz Bouteflika "ne lève pas toutes les incertitudes".

L’annonce de cette «démission», après un véritable bras de fer entre l’armée et le clan présidentiel, représente, à court terme, «une rupture par rapport à la position du chef de l’Etat adoptée jusque-là», poursuit le journal.

Explication du journal: après avoir officialisé sa candidature pour un 5e mandat, Bouteflika avait en fait opté, en décidant l’annulation de l’élection présidentielle du 18 avril 2019, pour une prolongation sine die du mandat en cours.

«Finalement, il aura fallu six semaines d’une mobilisation de la rue hostile à son maintien au pouvoir, puis l’entrée en lice de l’armée proposant de déclarer son «empêchement» en raison de son inaptitude à exercer le pouvoir, pour le convaincre de lâcher prise», poursuit «Le Monde».

Toutefois, affirme Le Monde, «bien des incertitudes demeurent. La seule concession octroyée par le chef de l’Etat tient dans le calendrier. Son départ, annoncé «avant le 28 avril», devrait permettre d’éviter au pays un vide institutionnel», ajoutant que, sur le fond, Bouteflika rejette de facto l’idée d’une «incapacité» physique invoquée implicitement par le chef d’état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, qui avait réclamé la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution relatif à l’«empêchement».

«Au fond, le bras de fer entre l’armée et la présidence se solde par un arrangement qui convient aux deux parties, mais pas aux animateurs de la contestation. Ces derniers craignaient déjà un tel scénario, celui d’une transition administrée par le régime lui-même sous la forme d’un intérim de courte durée. Les protestataires réclament plutôt la mise en place d’un gouvernement de transition composé de personnalités indépendantes et une période de transition plus longue avant d’aller à une élection constituante ou un scrutin présidentiel», analyse le journal.

Revenant sur la mesure d’interdiction de quitter le pays prise à l’encontre d’une dizaine d’hommes d’affaires proches du frère du chef de l’Etat, Saïd Bouteflika, dont Ali Haddad, ex-patron des patrons, arrêté à la frontière tunisienne, le journal y voit une «apparente volonté d’apaiser la rue».

«La chute du patron des patrons, encore très puissant il y a quelques semaines, illustre le retournement de situation en Algérie depuis le 22 février, date de la première manifestation populaire en Algérie», écrit Le Monde.

Par Youssef Bellarbi
Le 02/04/2019 à 15h27