Toute la semaine, la presse et les réseaux sociaux se sont émus après la diffusion de ce cliché montrant le chef de l'Etat dans une situation peu avantageuse en recevant, le 10 avril dernier, le Premier ministre français Manuel Valls.
Le président, au pouvoir depuis 1999, présentait un visage livide, les yeux hagards et la bouche ouverte.
"La visite de Valls a mis fin à un mensonge" et "les Algériens découvrent un président qui n'est pas en mesure de conduire le pays jusqu'à la fin de son mandat en 2019", a jugé jeudi le quotidien francophone El Watan.
Le quatrième mandat, remporté le 17 avril 2014 après un amendement de la Constitution ayant fait sauter le verrou de la limitation des mandats, est "de trop", renchérit Liberté.
Le quotidien francophone juge "sage" de mettre en œuvre la procédure d'empêchement réclamée aussi par l'opposition contre le président, qui vit dans sa résidence de Zéralda, à l'ouest d'Alger, transformée en bureau.
M. Bouteflika, qui ne se déplace plus, y reçoit notamment les dirigeants étrangers en visite à Alger. Comme ce fut le cas pour le Premier minisre français qui a tweeté la photo du rendez-vous.
Ce tweet a été qualifié d'"acte désobligeant" par le chef de cabinet de M. Bouteflika, Ahmed Ouyahia, cité dimanche par la presse.
"Le tweet de Valls a eu un retentissement international qui ne restera pas sans suite. Bouteflika va se hâter de proposer un successeur parmi ses proches", estime Rachid Tlemçani, professeur de sciences politiques.
Les images diffusées "sont un nouveau révélateur du paradoxe algérien", note de son côté le politologue Hasni Abidi. "Il y a un président qui a des pouvoirs exorbitants qu'aucun autre avant lui n'avait eus, mais on ne sait pas qui les exerce", dit-il, en rappelant que M. Bouteflika "a anéanti le contre-pouvoir" des tout-puissants services de renseignement.
Le chef de l'Etat a en effet dissous fin 2015 le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) après avoir limogé le général Mohamed Mediene, dit Toufik, qui a dirigé cet appareil pendant 25 ans, faisant de lui un Etat dans l'Etat.
Son éviction a fait de M. Bouteflika un dirigeant à la signature duquel est suspendue la carrière de tout haut fonctionnaire ou gradé.
"Jamais la vie politique nationale n'a été autant dominée par un seul homme", remarque encore M. Abidi.
Mais sa maladie lui permet-elle d'exercer réellement les pouvoirs conférés par la Constitution? "On gouverne en son nom", estime le politologue.
Pour autant, objecte un diplomate occidental, "il n'y a rien de surprenant" aux dernières images du président. "Tout le monde sait qu'il a des difficultés d'élocution et de mobilité" depuis un AVC qui l'avait conduit en 2013 à un séjour suivi d'une convalescence de près de trois mois à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris.
Le président Bouteflika a cependant gardé "intactes ses capacités d'analyse", insiste le diplomate occidental qui ne croit pas au scénario d'une succession dans le désordre, ni à celui d'une prise de pouvoir par Said Bouteflika, le frère et conseiller spécial du chef de l'Etat que certains appellent le "vice-président".
"Derrière Bouteflika, il y a la machine des institutions qui fonctionne. Le système trouvera son candidat et le fera élire après une élection plus ou moins pluraliste", ajoute-t-il alors qu'aucun nom ne semble s'imposer, qu'il soit issu de l'intérieur du système ou de l'opposition.
"L'Algérie est habituée à sortir des candidats surprise", rappelle M. Abidi.
A la mort de Houari Boumediene en 1978, on attendait son ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika. Mais l'armée lui avait préféré l'inattendu colonel Chadli Bendjedid sur le critère de l'"officier le plus ancien au grade le plus élevé".
Quand ce dernier fut contraint de démissionner sous la pression islamiste en 1992, c'est un vétéran de la guerre d'indépendance, Mohamed Boudiaf, opposant irréductible et exilé au Maroc, qui lui succéda. Il fut assassiné au bout de six mois.
Et l'arrivée de M. Bouteflika en 1999 fut aussi une surprise.