Jusqu'ici, les médias algériens n’étaient pas particulièrement visés par la purge orchestrée par Ahmed Gaïd Salah, le chef de l’armée et nouvel homme fort de l’Algérie, n’étaient-ce quelques têtes dans des postes de direction. Jusqu'ici seulement, puisque la véritable machine répressive enclenchée par Gaïd Salah contre toutes les voix discordantes ne pouvait faire l’économie de la presse, surtout celle qui est officielle, pro-gouvernementale.
Il faut dire que les médias privés, sont quant à eux d’ores et déjà aux ordres puisqu’après leur silence coupable des premiers jours des soulèvement populaires, ils tentent désormais, dans leur écrasante majorité, de minorer l’importance des soulèvements populaires en cours. A la faveur, bien sûr, de Gaïd Salah et de son agenda, qui doit aboutir à une présidentielle de façade, le 4 juillet prochain.
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Ayant brillé par leur changement de ton dès le début de la révolte, le 22 février dernier, les médias publics semblent aujourd’hui en payer le prix. C’est ainsi, et d’après le quotidien El Watan, que plusieurs journalistes, techniciens et présentateurs vedettes ont été brutalement mis «au placard».
Il s’agit notamment de Abdelmadjid Benkaci, journaliste reporter à Canal Algérie, également militant syndical pour «un service public de qualité» et qui a fait l’objet d’un avertissement, mais aussi de Abderrezak Siah, écarté des JT de 17h et de 20h de la chaîne A3 par sa direction, après qu'il ait critiqué celle-ci, dans une intervention à Berbère télévision.
Egalement concernés, Imène Slimane, employée à la direction technique de l’EPTV, sanctionnée et affectée à un autre service du fait de ses posts sur Facebook, et de ses positions en faveur du mouvement populaire en Algérie, et de Nazim Aziri, dont l’émission politique «Question d’actu», programmée les lundis sur Canal Algérie, a été déprogrammée. A cause d'une autre lecture qu'il a faite des arrestations en cours en Algérie, et de sa contestation de la voie «constitutionnelle», proposée par Gaïd Salah.
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Ces changements de «casting» interviennent quelques jours après l’arrestation de Louisa Hanoune, le cheffe du Parti des Travailleurs (opposition), avec, là encore, une mise en scène de son arrivée au tribunal militaire de Blida, filmée par les caméras de l’ENTV. Au risque de porter atteinte aux principes et aux symboles des libertés publiques, le message véhiculé se situe sur un registre très clair: s’opposer à Gaïd Salah, c’est s’exposer à la disgrâce et à la prison.
Ces derniers évènements ne sont que la suite (logique) d’un long processus de répression, d’abord entamé contre les soutiens comme les détracteurs des Bouteflika au sein de la classe d’affaires. Les uns comme les autres étaient suffisamment puissants pour être nuisibles. La même démarche s’est par la suite élargie aux «comploteurs» au sein du même régime, à savoir le frère du président déchu, Saïd Bouteflika et ses acolytes, notamment le général à la retraite et ancien patron du DRS, Mohamed Mediène, dit «Toufik».
Le tout est donc de savoir aujourd'hui qui sera la prochaine victime sur la liste de Gaïd Salah, et jusqu’où sa soif et son ivresse du pouvoir peut encore le mener. A lire l'éditorial du quotidien pro-gouvernemental El Moudjahid du samedi 11 mai, il y a lieu de s'inquiéter. L'Etat, entendez Gaïd Salah, entend «mettre hors d’état de nuire tous ceux et toutes celles qui entravent l’aboutissement du processus légal, passant nécessairement par la tenue d’une présidentielle», lit-on. Autant dire que la seule limite que se fixe le chef de l'armée, c'est, justement, l'absence de toute limite.