Face à un stress hydrique durable et à la nécessité d’améliorer la gestion de l’eau potable à l’échelle nationale, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) lance un chantier stratégique ambitieux. «L’objectif est de moderniser la supervision technique et digitale de ses infrastructures, en centralisant les données issues des systèmes de télégestion pour offrir un pilotage plus fiable, réactif et orienté vers la performance opérationnelle», écrit le quotidien Les Inspirations Eco dans son édition du 10 décembre.
Le Maroc est confronté depuis plusieurs années à une pression croissante sur ses ressources en eau. La rareté de cette ressource impose de repenser les modes de gestion, qui ne peuvent plus se limiter à la simple maintenance des infrastructures. La sécurisation de l’eau potable, la performance des réseaux et la fiabilité des données constituent désormais des enjeux cruciaux pour l’ensemble des politiques publiques. Dans ce contexte, l’ONEE, branche Eau, se place au cœur de la stratégie nationale en matière de gestion de l’eau, avec pour ambition de bâtir un système unifié et intelligent capable de garantir la continuité de service et l’anticipation face aux tensions climatiques et démographiques.
Les défis auxquels le pays est confronté ne sont pas nouveaux, mais ils se sont intensifiés. Les réformes engagées ces dernières années, telles que la création des Sociétés régionales multiservices, le développement des ressources non conventionnelles ou encore le recours progressif au dessalement, témoignent de la volonté de diversifier l’approvisionnement et d’optimiser la gestion de l’eau. Dans ce paysage en mutation, l’ONEE conserve un rôle central : assurer une distribution fiable de l’eau potable sur l’ensemble du territoire et garantir un pilotage cohérent des infrastructures existantes.
«Pourtant, cette mission se heurte à la complexité des systèmes actuels», souligne Les Inspirations Eco. Les dispositifs de supervision sont aujourd’hui fragmentés: automates industriels, équipements de télégestion, plateformes de contrôle, applications de télérelève et systèmes d’information géographique coexistent, fruit d’investissements réalisés sur plusieurs décennies. Cette pluralité crée une richesse de données, mais pose des défis importants en matière d’intégration et d’analyse. Le chantier lancé par l’ONEE vise précisément à surmonter cette complexité et à transformer en profondeur la gouvernance des infrastructures hydriques.
Le projet prévoit la création d’une plateforme digitale centralisée, capable d’agréger en temps réel les informations issues des réseaux d’adduction et de distribution. Cette plateforme permettra de croiser les historiques, de générer des alertes intelligentes et d’offrir une lecture instantanée de l’état des infrastructures, depuis les stations de traitement jusqu’aux réservoirs et points de livraison. Il s’agit d’un changement de paradigme majeur : passer d’un pilotage fragmenté à une supervision unifiée, fondée sur l’exploitation optimale des données, au service de l’efficacité et de la réactivité.
Au-delà de l’aspect technique, le projet comporte également une dimension stratégique. Il vise à harmoniser les pratiques entre les différentes régions, à renforcer la traçabilité des opérations et à sécuriser les systèmes industriels face aux menaces croissantes de cyberattaques. La fiabilisation des échanges entre environnements informatiques et opérationnels constitue une priorité, tout comme l’adoption de normes internationales de cybersécurité pour protéger les installations critiques.
L’ampleur du chantier est nationale et structurante. Il couvre toutes les zones d’intervention de l’ONEE-Branche Eau, du Nord au Sud du pays, en passant par les grands bassins hydrauliques du centre. Les études préliminaires dresseront un état des lieux détaillé des infrastructures, identifieront les failles et proposeront une architecture cible capable d’accompagner les évolutions futures. Ce travail permettra de consolider la vision globale des ressources, des équipements et de leurs performances, offrant ainsi un outil de planification précis pour les investissements et la gestion des réseaux.
Les retombées attendues vont au-delà de la technologie. La fiabilisation des données et la supervision centralisée permettront de réduire les pertes en réseau, d’optimiser la consommation énergétique et d’assurer la continuité de l’alimentation en eau, même dans les périodes de tension. Le projet s’inscrit également dans une dynamique de transparence et d’efficience, répondant aux exigences des réformes institutionnelles en cours.
En lançant cette initiative, l’ONEE affirme sa volonté de placer l’innovation et la maîtrise des données au centre de sa stratégie. Le pilotage de l’eau potable ne repose plus uniquement sur les infrastructures physiques, mais sur la capacité à les superviser, les analyser et anticiper leur fonctionnement. Le Maroc se dote ainsi des bases d’un système moderne, capable de renforcer sa résilience hydrique et d’accompagner les mutations profondes de son modèle de gestion de l’eau.








