Le jugement prononcé ce lundi 21 mars par le tribunal de commerce de Casablanca, actant une mise en liquidation de la SAMIR, ouvre une nouvelle saison du «feuilleton» de la crise du raffineur.
Rappelons avant tout que la SMIR peut légalement faire appel du jugement. Elle a en principe dix jours pour le faire. Mais si la liquidation est confirmée, les péripéties de l’entreprise, son management, ses salariés et ses créanciers ne seront pas pour autant finies. En plus des trois mois pendant lesquels le tribunal autorise la poursuite de l’activité, il en faudra en effet encore plus pour que la liquidation soit définitivement actée.
«Après la nomination du syndic, un long parcours va commencer avec comme objectif d’inventorier l’ensemble des créanciers, les classer et valoriser l’entreprise», nous confie une source proche de ce dossier. Cette mission est loin d’être anodine, bien qu’un rapport d’expertise ait déjà été établi pour les besoins de la procédure judiciaire.
En effet, selon les informations ayant filtré dans d’autres médias, les éléments repris par les experts concernant les créances se basent principalement sur les documents qu’a présentés la SAMIR. Or, il s’avère que des écarts importants ressortent avec les créances annoncées par les différentes parties impliquées depuis le début de la crise.
A titre d’exemple, alors que l’Etat considère que les dettes de la SAMIR dépassent les 43 milliards de dirhams, le rapport d’expertise n’en fait ressortir que 29 . Il faudrait donc clarifier cet écart et, surtout, évaluer concrètement combien représentent les dettes de la SAMIR. A cela, il faudra également ajouter les droits des salariés que «la SAMIR ne pourra plus verser après que la procédure de liquidation aura été entamée», ajoute notre source.
Hormis les créances, la valorisation de l’entreprise et de ses biens sera également une mission délicate à mener en raison de l’actif important (en nombre surtout !) de la SAMIR. En plus de son site de Mohammédia, la société dispose de plusieurs biens partout dans le royaume, notamment du foncier. De même, elle détient des participations dans plusieurs entreprises.
Il s’agit de TSPP (Société marocaine de transport et de stockage de produits pétroliers), SDCC (Société de distribution de carburants), ACAFE (opérant dans la formation) et COMADI (Société de construction maintenance et développement industriel) dont elle est actionnaire à plus de 96%. On retrouve également des participations dans Salam Gaz, Africbitumes, Jorf Petroleum Storages et la SOMAS. Cette dernière est une joint-venture créée avec des pétroliers pour renforcer les capacités de stockage de gaz dans le royaume.
25 milliards de dirhams d’immobilisations corporelles
Les informations ayant filtré sur le rapport d’expertise judiciaire ne donnent aucune indication sur la valeur de tout ce patrimoine. La seule indication figure dans les comptes comptables de la société. Ainsi, si l’on se réfère à la dernière communication financière de la SAMIR, arrêtée à fin juin 2015, la valeur comptable des immobilisations corporelles de la société ressort à 25 milliards de dirhams.
A ce montant s’ajoutent quelque centaines de millions de dirhams comptabilisés comme titres de participation et autres actifs financiers. Il faudra également inclure la valeur des stocks encore disponibles chez le raffineur, ainsi que les créances qu’il détient sur ses clients.
Ce n’est qu’après toutes ces démarches qu’une procédure de vente aux enchères pourra réellement être programmée. «En principe, celle-ci devrait intervenir en lots homogènes de biens. Pour ce qui est de la raffinerie de Mohammédia, elle est considérée avec son foncier comme étant un lot inaliénable», explique notre source. En d’autres termes, les équipements, les installations et le foncier de la raffinerie devront trouver un même repreneur.
Il reste maintenant à savoir combien la vente aux enchères pourra réellement rapporter. En principe, il sera difficile de recouvrer tout ce que la SAMIR doit à ses créanciers. Et, bien entendu, cs sont l’Etat et les créanciers qui disposent de garanties hypothécaires qui auront la priorité des remboursements, comme le veut le Code du commerce.
Une autre question redevient d’actualité après que le sort de la SAMIR a été définitivement scellée : "Le Maroc pourra-t-il rester sans un raffineur ?".
Vers une nouvelle raffinerie à Jorf Lasfar ?
Plusieurs scénarios peuvent être envisagés dans ce cadre. La première est que le repreneur des actifs de la raffinerie (s’il y en a un !) décide de relancer la production sur le site même de Mohammédia. Dans ce cas là, il faudra alors de lourds investissements pour remettre la raffinerie en état de marche. Ceci, il faut le rappeler, car depuis que la SAMIR a suspendu son activité, l’entretien des installations ne se faisait plus de la manière idoine.
Or, dans le domaine du raffinage, il est bien connu que les installations peuvent rapidement se dégrader par manque d’entretien. Serait-il judicieux d’investir une somme importante pour cela? Difficile de répondre à cette question tant que les dommages subis par la raffinerie ne sont pas concrètement évalués.
Le deuxième scénario, celui que semblent privilégier les professionnels du secteur, c’est celui de la construction d’une autre raffinerie dans un autre site. Ce scénario semble d’ailleurs séduire auprès des pouvoirs publics. Sur les colonnes de nos confrères de l’hebdomadaire "La Vie Eco", Abdelkader Amara, ministre de l’Energie, des mines, de l’environnement et de l’eau avait déclaré, en novembre dernier, qu’une nouvelle raffinerie est projetée à Jorf Lasfar.
Qui portera cet investissement ? Le ministre n’en a rien dit depuis. «On ne pourra avoir une indication sur l’investisseur potentiel qu’après la mise aux enchères du site de Mohammédia», indique notre source. Force est de constater que sur le marché, il n’existe pas beaucoup d’opérateurs pouvant porter ce projet. Du moins, pas des Marocains!
Jusqu’à 2 milliards de dollars d’investissement
A l’exception du groupe Akwa, qui est propriétaire du leader de la distribution des hydrocarbures dans le royaume (Afriquia), aucun des autres acteurs du marché ne semble armé pour cela. Et encore, si le groupe Akwa est réellement intéressé par une raffinerie à Jorf Lasfar, comme le veut la rumeur, il faudrait avant tout monter un solide dossier de financement.
«Il faut savoir qu’une nouvelle raffinerie pourrait coûter jusqu’à 2 milliards de dollars. Un tel investissement nécessite des montages financiers compliqués», souligne un connaisseur du secteur pétrolier. Et puis, même si cet investissement était confirmé, cela nécessiterait au moins cinq années pour que l’unité soit opérationnelle. D’ici là, le Maroc n’aura qu’à continuer à s’approvisionner en hydrocarbures de l’étranger, pour faire face aux besoins nationaux.