Excellente nouvelle pour le secteur bancaire marocain: la création tant attendue d’un marché secondaire pour les créances en souffrance au Maroc est sur le point de devenir réalité. «Le projet de loi est actuellement en examen au Secrétariat général du gouvernement et devrait bientôt intégrer le circuit d’adoption», a annoncé Nabil Badr, directeur adjoint de la supervision bancaire à Bank Al-Maghrib (BAM). Cette déclaration a été faite lors d’une conférence dédiée à cette thématique, organisée conjointement par la banque centrale et la Société financière internationale (SFI), ce jeudi 28 novembre à Casablanca.
Concrètement, ce projet de loi consiste à mettre en place des mécanismes juridiques pour garantir les conditions de création d’un écosystème qui permettra, aux banques, de transférer ces créances à des investisseurs spécialisés dans l’achat des créances bancaires impayées, en particulier des étrangers.
Cette réforme majeure, présidée par le Secrétariat général du gouvernement (SGEE), a été pilotée par un comité inter-institutionnel comprenant des représentants du ministère de l’Industrie et du Commerce, du ministère de l’Économie et des Finances du ministère de la Justice, du ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la Commission nationale de la protection des données à caractère personnel (CNDP).
Deux principales options pour la cession des créances
«Le projet de réforme, qui a été conduit selon une approche inclusive, a bénéficié de la forte contribution et implication des membres de ce comité interinstitutionnel et a fait l’objet d’une large concertation auprès du secteur bancaire, ce qui a permis d’ajuster le cadre cible aux réalités du marché et d’identifier les éventuels défis opérationnels», a précisé Abderrahim Bouazza, directeur général de Bank Al-Maghrib, lors de son allocution.
D’après lui, ce projet de loi prévoit de lever les obstacles juridiques qui entravent la transférabilité directe des créances en souffrance, en supprimant l’exigence du consentement du débiteur et en simplifiant les modalités de notification des avis de recouvrement de ces créances. «Cette cession permettrait ainsi aux établissements de crédit d’assainir leurs bilans, de libérer des fonds propres renforçant leur solvabilité et de disposer de nouvelles liquidités qui peuvent être réallouées à d’autres activités de financement », souligne-t-il.
Source: Bank Al-Maghrib.
Bank Al-Maghrib a été assistée par la SFI dans l’élaboration de ce projet de loi, qui a lancé, en 2019, une étude sur le marché secondaire des créances en souffrance (CES) au Maroc. Les conclusions de cette enquête privilégient deux principales options pour sa mise en place. La première, c’est la titrisation qui est «adaptée pour les marchés dont les volumes des CES sont importants», tandis que la seconde porte sur la cession directe. «Cette option est moins coûteuse, accessible aux petits investisseurs, notamment les agences locales de recouvrement» et est «adaptée à la taille actuelle du marché marocain des CES», souligne-t-on.
La création de ce marché secondaire vient à point nommé pour les banques marocaines qui sont confrontées à une augmentation significative des crédits impayés des entreprises et des ménages. Au cours des dix dernières années, ces créances ont doublé pour atteindre la barre des 97,9 milliards de dirhams à fin septembre 2024, soit 8,6% du total des crédits des banques et presque 7% du PIB marocain, selon la banque centrale.
Impacts négatifs pour les banques
D’après Abderrahim Bouazza, cette hausse des CES résulte principalement de la conjoncture économique difficile, des difficultés sectorielles, le surendettement, les imprévus de la vie ou une mauvaise gestion. «Les conséquences de cette problématique sont les créances en souffrance qui génèrent pour les banques des coûts importants liés à leur gestion, immobilisent des fonds propres requis par la réglementation sur la solvabilité et affectent leur liquidité», explique-t-il.
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Ces créances, également qualifiées de prêts-non performants (PNP), restent dans les bilans bancaires pour des périodes plus ou moins longues, en raison des délais que nécessitent leur recouvrement amiable ou judiciaire. La Direction générale des impôts (DGI) exige un délai de cinq ans de détention de ces crédits impayés pour bénéficier de la déduction fiscale des provisions.
Pis, à en croire le directeur adjoint de BAM, ces PNP devraient même s’accroître sous l’effet des incertitudes économiques persistantes et en rapport avec la refonte de la circulaire portant sur la classification des créances et à leur couverture par les provisions.