"Cela me coûte moins cher de passer dix jours ici que quatre jours à Paris ou Amsterdam", remarque Steve, ingénieur informatique irlandais. "Tout est compris, les repas, les boissons, pour un prix vraiment bas", se réjouit le quinquagénaire, un whisky à la main au bord de la piscine dans cette station balnéaire au sud de Tunis. Dépréciation du dinar -un euro s'échange actuellement à plus de 3 dinars- mais aussi amélioration de la sécurité: les voyagistes transportant les touristes occidentaux par centaines de charters reviennent, et les réservations pour l'été ont atteint un niveau comparable à la fréquentation avant les attentats de 2015.
Cette année-là, les fusillades dans le majestueux musée du Bardo et sur une plage de Port el-Kantaoui à Sousse, qui ont fait 60 morts, dont 59 touristes étrangers, avaient mis à genou ce secteur crucial de l'économie, déjà secoué par l'instabilité ayant suivi la révolution de 2011. Si le pays est toujours sous état d'urgence, plusieurs ambassades ont assoupli leurs conseils aux voyageurs après deux années d'accalmie.
Le 8 juillet dernier, ravivant de mauvais souvenirs, une nouvelle attaque jihadiste a coûté la vie à six policiers à la frontière algérienne. Mais des voyagistes ont indiqué à l'AFP ne pas avoir constaté d'annulation de réservations après cet attentat, survenu loin de la zone côtière. "Je pense qu'il n'y aura pas d'incidence sur la fréquentation cet été", estime Jean-Pierre Mas, président d'un organisme représentant les agences de voyages françaises, Entreprises du Voyage. "Les progressions des indicateurs du tourisme sont dues premièrement au retour de la sécurité et aux contrôles de sécurité au sein des hôtels", déclare Ezzedine Grami, commissaire régional au tourisme pour Nabeul-Hammamet.
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Caméras de surveillance, sécurité privée à l'entrée des plages, policiers armés dans les zones touristiques: les autorités ont pris au sérieux les demandes des tour-opérateurs. La Tunisie a regagné toute sa place dans les salons du voyage européens, au point de devenir la cinquième destination moyen-courrier depuis la France, selon le syndicat des tour-opérateurs français, Seto.
Le géant du tourisme TUI, dont les clients britanniques avaient été les principales victimes de Port-el-Kantaoui, revient aussi en force: il a repris les dessertes depuis le Royaume-Uni en mai, et TUI-France a triplé pour cet été son offre de clubs en Tunisie. L'opérateur britannique Thomas Cook a lui rouvert des vols en février, pour la première fois depuis 2015. "Je recommande de venir en Tunisie, laissez tomber l'Espagne et les îles Canaries, c'est un très bon rapport qualité-prix", clame Steve, venu passer dix jours avec son épouse pour profiter du "soleil garanti".
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Le tourisme est un moteur crucial de la croissance, représentant 7% du PIB, et une précieuse rentrée en devises, alors que le pays peine à apaiser un climat social tendu, entre inflation et chômage. Selon le ministère du Tourisme, le nombre d'entrées a dépassé les trois millions sur le premier semestre, dépassant les arrivées aux frontières sur la même période en 2010, année référence du tourisme tunisien. "C'est l'année de la vraie reprise", estimait fin mai la ministre Selma Elloumi Rekik, tablant sur une "croissance du marché russe et chinois ainsi que du marché traditionnel", Français et Allemands notamment.
Après la levée des visas, les premiers charters chinois sont arrivés cette année, et le ministère du Tourisme a profité de la participation de la Tunisie au Mondial en Russie pour y promouvoir son offre touristique. Sergueï, un ingénieur venu de Tver, à 150 km de Moscou, apprécie ses premières vacances tunisiennes. "Je pense que je vais conseiller cet hôtel à mes amis", assure-t-il, louant le service et les prix tandis que ses enfants glissent sur un toboggan géant.
La hausse perceptible de la fréquentation ne signifie toutefois pas une hausse proportionnelle des bénéfices. Les recettes, atteignant 1,29 milliard de dinars au premier semestre, soit 430 millions EUR, restent en deçà de 2010, et le nombre de nuitées très inférieur. "En termes de rentabilité, on est loin du compte", estime Haykel Akrout, directeur de l'hôtel Khayam, un établissement 4 étoiles très fréquenté par des Russes. "Avant 2015, on travaillait beaucoup sur le marché européen, mais depuis il y a eu l'éclosion de nouveaux marchés, algérien, russe", moins porteurs, dit-il.
Les prix de ses séjours ont baissé, alors que l'alimentation, l'essence, et nombre d'autres produits ont augmenté.