Les PME marocaines face à la barrière carbone européenne

Taxe carbone.

À l’approche de l’entrée en vigueur du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne, les petites et moyennes entreprises marocaines se trouvent face à une série de défis complexes, à la fois techniques, financiers et organisationnels.

Revue de presseÀ quelques mois de l’entrée en vigueur du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne, les petites et moyennes entreprises marocaines se retrouvent confrontées à un ensemble de défis techniques, financiers et organisationnels. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) alerte sur le risque de marginalisation de ces acteurs clés de l’économie nationale et propose des solutions pour préserver leur compétitivité. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 12/10/2025 à 19h58

Alors que les grands groupes industriels marocains peaufinent leurs stratégies bas carbone pour se conformer au MACF, le tissu des petites et moyennes entreprises (PME), véritable colonne vertébrale de l’économie nationale, se trouve confronté à une course contre la montre semée d’incertitudes. «Ces entreprises doivent composer avec un manque de ressources humaines qualifiées, des investissements lourds et un accès limité à une information fiable, ce qui pourrait compromettre leur présence sur le marché européen», écrit le magazine Finances News Hebdo.

À partir de janvier 2026, l’Union européenne appliquera un coût carbone sur certaines importations (fer, acier, ciment, engrais, etc.) évalué entre 60 et 100 euros la tonne, afin de protéger son industrie de la concurrence extérieure aux normes environnementales moins strictes. Si l’impact initial sur les exportations marocaines semble limité, ne concernant que 3,7% des flux vers l’UE, l’extension future du mécanisme aux émissions indirectes et à d’autres secteurs pourrait menacer des industries stratégiques comme l’automobile ou l’aéronautique, dépendantes de matières premières telles que l’acier ou l’aluminium, explique le magazine.

Le CESE a identifié trois obstacles majeurs auxquels les PME marocaines sont confrontées. Premièrement, le défi humain. Le calcul précis des émissions de gaz à effet de serre (GES) est une tâche technique complexe nécessitant des compétences rares. Faute de personnel formé, les exportateurs se voient appliquer des valeurs carbone par défaut, souvent très élevées, ce qui réduit leur compétitivité. Deuxièmement, le défi financier. La mise en conformité avec le MACF implique des investissements considérables: réalisation des bilans carbone, adaptation de l’outil industriel, transition vers les énergies renouvelables et adoption de technologies de recyclage. Pour de nombreuses PME, ces coûts représentent une charge lourde qui peut grever durablement leurs marges et leur capacité à maintenir leurs activités sur le marché.

Troisièmement, le défi de l’information. L’accès à des données fiables, standardisées et actualisées demeure limité. Les PME peinent à suivre la complexité et l’évolution constante du mécanisme, dont la réglementation finale n’est pas encore totalement arrêtée.

«L’Union européenne a pris en compte la charge administrative que représente le MACF pour ses propres petites entreprises. Elle a introduit un seuil d’exemption annuel de 50 tonnes de CO₂, qui dispense plus de 90% des petits importateurs européens, et réduit les obligations financières afin d’éviter des achats excessifs de certificats», note Finances News.

En revanche, les PME marocaines ne bénéficient d’aucune tolérance. Elles doivent se conformer pleinement à la réglementation, quelle que soit leur taille ou leur volume d’exportation, et faire valider leurs déclarations par des vérificateurs européens accrédités, ce qui ajoute à la fois des coûts et une dépendance technique.

Face à cette situation, le Maroc mise sur sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et des programmes tels que Tatwir économie verte, ainsi que sur l’élaboration de feuilles de route sectorielles pour le ciment et l’acier. Toutefois, leur déploiement reste limité face à l’urgence de 2026.

Le CESE propose donc l’instauration d’une taxe carbone nationale. Cette mesure aurait un double objectif: d’une part stratégique, en permettant aux entreprises marocaines de déduire ce coût du MACF et ainsi limiter le transfert de capitaux vers l’Europe; d’autre part financier, en affectant une partie des recettes estimées entre 2,7 et 3 milliards de dirhams par an à la création d’un fonds de soutien à la transition écologique des PME.

Appliquée progressivement, à commencer par les secteurs les mieux organisés comme le ciment, cette taxe pourrait devenir un levier majeur pour accompagner les entreprises les plus fragiles et garantir leur compétitivité sur les marchés internationaux. Le CESE avertit que sans un soutien ciblé et une approche coordonnée, le MACF pourrait se transformer en un mur infranchissable pour une grande partie du tissu industriel marocain, laissant les PME sur le bas-côté de la transition bas carbone.

Par La Rédaction
Le 12/10/2025 à 19h58