Autoproduction électrique: un levier stratégique encore sous-exploité

Pour faire face à la flambée persistante des prix de l’électricité, le Maroc privilégie l’autoproduction, en particulier solaire, afin d’alléger la charge des ménages et de renforcer la compétitivité des entreprises.

Revue de presse Face à la hausse continue des prix de l’électricité, le Maroc mise sur l’autoproduction, notamment solaire, pour réduire la facture des ménages et améliorer la compétitivité des entreprises. Mais malgré une loi ambitieuse et un potentiel considérable, le secteur reste freiné par des obstacles réglementaires et financiers qui limitent son développement. Cet article est une revue de presse tirée de Finances News.

Le 05/10/2025 à 19h47

Alors que le Maroc s’est fixé pour objectif de réduire sa dépendance énergétique et de protéger ses ménages ainsi que ses industries contre la volatilité des prix, l’autoproduction électrique, en particulier via le solaire photovoltaïque, s’impose comme une piste prometteuse. «Cette solution permet aux particuliers, PME et industriels de produire eux-mêmes une partie de l’énergie qu’ils consomment, avec des gains potentiels aussi bien sur le plan économique que sur celui de la compétitivité», souligne le magazine Finances News Hebdo dans une analyse dédiée.

Promulguée en février 2023, la loi 82-21 devait marquer un tournant en instaurant un cadre clair pour la production décentralisée d’électricité. Mais plus d’un an et demi après, son application reste incomplète, lit-on, faute de décrets d’application. Ce retard a conduit le Conseil de la concurrence à alerter sur un paradoxe. Le Maroc dispose d’un outil puissant pour réduire ses coûts de production énergétique, mais celui-ci est encore largement sous-exploité.

D’après les estimations du Conseil, le développement de l’autoproduction, combiné à une régulation plus efficace, pourrait faire chuter le coût moyen du kilowattheure de 0,9 à 0,6 dirham. Un potentiel qui reste, pour l’instant, théorique.

Conscient de l’urgence, le ministère de la Transition énergétique a annoncé en juillet dernier l’imminente publication de quatre décrets d’application relatifs à la loi 82-21. Ces textes visent à préciser les règles techniques et administratives concernant l’installation, le raccordement, le stockage, l’écrêtement et la revente de l’électricité excédentaire.

Ils prévoient également l’instauration de compteurs intelligents et de certificats d’origine pour assurer la traçabilité de l’énergie produite. L’une des mesures les plus attendues est l’abaissement du seuil de puissance autorisée pour les industriels, de 20 MW à 5 MW. Une réforme qui permettrait à un plus grand nombre de PME d’investir dans l’autoproduction.

«En abaissant le seuil à 5 MW, de nombreuses PME industrielles pourront produire une partie de leur électricité. Cela se traduira directement par une baisse de la facture et donc par une meilleure compétitivité», souligne Anas El Bouyousfi, PDG d’Isolbox, cité par Finances News Hebdo.

Le dispositif vise aussi à démocratiser l’accès au solaire pour les particuliers, en s’appuyant sur une base déjà existante: plus de 50 000 installations solaires fonctionnent dans le secteur agricole, mais leur potentiel reste bridé par un cadre peu incitatif.

Pour les foyers, quelques kilowatts de panneaux photovoltaïques suffisent à réduire significativement la facture électrique, notamment en journée. Pour les petites entreprises, qui consomment surtout durant les heures de production solaire, l’économie est encore plus marquée.

Au-delà de l’allègement immédiat des charges, l’autoproduction constitue également une protection contre les hausses futures des tarifs. «La baisse continue du coût des équipements rend l’amortissement des installations plus rapide», explique El Bouyousfi, en insistant sur l’intérêt stratégique de l’autoproduction dans un contexte de forte incertitude sur les prix mondiaux de l’énergie.

Malgré ces perspectives positives, plusieurs obstacles freinent encore le décollage du secteur. Pour Saïd Guemra, expert en énergie, la loi comporte des failles. Le principal écueil réside dans la rémunération des excédents injectés au réseau. Seule 20% de l’électricité produite par un auto-producteur est rachetée, alors que les besoins réels d’injection peuvent atteindre jusqu’à 60 % dans le cas des ménages ou de certaines industries, écrit Finances News. «Cela revient à faire perdre à l’auto-producteur jusqu’à 40% de sa production au profit du distributeur», explique-t-il.

À cela s’ajoutent d’autres contraintes, telles que le coût initial élevé des installations (malgré les incitations fiscales), le plafonnement à 11 kW pour les ménages et à 5 MW en moyenne tension pour les industries, ou encore la limite fixée à moins de 2% de la production nationale pour l’autoproduction. Autant de barrières qui réduisent considérablement l’impact attendu de la réforme.

Pour débloquer ce potentiel, le Conseil de la concurrence recommande une stratégie ambitieuse en faveur de l’autoproduction domestique et industrielle. Cela passe par une simplification des procédures administratives, un assouplissement des plafonds de revente, un renforcement des capacités de stockage, le développement d’une filière nationale de batteries et de solutions de stockage, et l’intégration des véhicules électriques comme instruments de flexibilité énergétique.

Selon El Bouyousfi, «le développement d’un tissu industriel local spécialisé dans le solaire (fabrication de composants, stockage, maintenance) permettrait de réduire la dépendance aux importations, de stabiliser les prix et d’apporter plus de flexibilité au réseau national».

Par La Rédaction
Le 05/10/2025 à 19h47