L’apport de l’association Yerma Gnaoua, créée dans la lignée du festival le plus célèbre et le plus reconnu du Maroc est indéniable, même si Neila Tazi, qui préside aux destinées des deux structures, entend se faire discrète. La fondatrice (et plus que jamais productrice) du festival Gnaoua et Musiques du monde d’Essaouira indique tout de même, pour Le360, que cette concrétisation est née d’une «démarche de préservation du patrimoine gnaoui. Au-delà du festival, l’association a élaboré en 2014 l’anthologie de la musique gnaouie, qui retranscrit l’intégralité des textes chantés et du répertoire musical des Gnaoua».
C’est donc grâce à ce travail minutieux de retranscription d’un patrimoine plurimillémnaire que la commission inter-gouvernementale du patrimoine culturel immatériel, relevant de l’Unesco, a décidé d’inscrire la candidature du dossier de «l’art Gnaoua» sur sa très prestigieuse et très restreinte liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
La 14e réunion annuelle de la commission de l’Unesco, qui doit se tenir à Bogota, du 9 au 14 décembre 2019, prendra par la suite la décision d’inclure ou non l’art Gnaoua sur cette liste.
Dans un communiqué émis à cette occasion, au ministère de la Culture et de la communication, dont le ministre, Mohamed Laârej avait, dans un proche passé, été pris à partie par Neila Tazi du fait de ses lenteurs, on se frotte visiblement les mains de satisfaction.
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Ainsi, le communiqué souligne avec emphase que cette inscription constituera «une nouvelle consécration du patrimoine national en général et de la musique Gnaoua en particulier, qui constitue un héritage musical universel et humain, ainsi qu’une expression symbolique du vivre en commun dans la diversité ethnique et culturelle au Maroc».
De son côté, Neila Tazi, bien que cheville ouvrière du long processus qu’a nécessité cette candidature, en sa qualité de présidente de l’association Yerma Gnaoua, a décidé d’opter pour la modestie, en affirmant que «ce sont les État parties à la Convention de 2003 qui soumettent les dossiers de candidatures, en demandant d’inscrire un élément, soit sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, soit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité».
Le360 a demandé à la fondatrice du plus célèbre festival du Maroc si cette mise en avant du patrimoine Gnaoui ne se faisait pas au détriment d’autres musiques traditionnelles marocaines, qui méritent tout autant d’honneur… Neila Tazi a balayé d’un revers de main cette question, affirmant que «le succès des Gnaoua a apporté une vraie dynamique à la scène musicale nationale. Ce qui est passionnant avec Gnaoua, c’est qu’ils sont, à la fois, patrimoine et modernité».
Et si, à Bogota, en septembre prochain, cette candidature est validée par l’Unesco, l’art Gnaoua viendra s’ajouter à six autres éléments du patrimoine marocain déjà inscrits sur cette liste: «l’espace culturel de la place Jemaa el-Fna», «le Moussem de Tan-Tan», «la diète méditerranéenne», «la fauconnerie», «le festival des cerises de Sefrou», «les pratiques et savoir-faire liés à l’arganier» et «la Taskiwin», danse martiale du Haut Atlas.
En attendant, le ministère de la Culture et de la communication paraît aujourd'hui très content, et semble avoir enterré les frictions passées. Le département de Mohamed Laârej souligne ainsi, dans son communiqué, que cette inscription de l’art Gnaoua aura «des retombées positives en matière de promotion et de dynamisation du tourisme culturel au Maroc» et «favorisera l’internationalisation de l’art Gnaoua».