Humble, digne et optimiste, ainsi se définirait Mourad Fedouache. Cet artiste photographe âgé de 23 ans à peine est l’auteur d’une exposition au thème et à la démarche originaux: «From Douar Shanty à New York». Ce projet, présenté jusqu’au 20 avril 2023 à l’American Arts Center de Casablanca, donne à voir des clichés de la communauté qui vit dans l’un des plus anciens bidonvilles, à Sidi Yahya El Gharb, dans la périphérie de Kénitra.
«Ce qu’on entend de ce lieu c’est qu’il regorge de gens mal famés, de potentiels criminels… Mais ce n’est pas cette image que j’ai voulu montrer au monde», confie Mourad Fedouach, lauréat de l’émission de révélation de talent «Dream Artist» diffusée en novembre dernier sur 2M avant. «Il s’agit de géographie du rêve. Mon objectif c’est que nous les gens de Sidi Yahya El Gharb puissions être fiers et que nous gravissions des échelons et réalisions nos rêves», poursuit le photographe en herbe qui s’est forgé au gré de son vécu, ses rencontres et les émotions qui sont restés imprimés dans son imaginaire.
C’est là que tout a commencé. «J’ai commencé à prendre des photos à l’âge de 17 ans. A l’époque, j’étais vendeur de légumes, et au fil de mes journées, je rencontrais tous types de personnes et des situations parfois paradoxales. Tout cela m’intriguait, je voulais à tout prix savoir et comprendre ce qui se tramait dans l’esprit de ces gens, ce qui les animait. Comme j’aimais écrire, je commençais à reporter ce que je voyais en rentrant à la maison, mais je me suis rendu compte que plusieurs fragments de l’histoire m’échappaient», déclare l’artiste, les yeux brillants.
Et de poursuivre: «La première fois que j’ai fait des photographies, c’était avec un petit téléphone et la caméra principale ne fonctionnait pas. Je prenais des selfies, certain acceptaient, d’autres non. Mais avec le temps, lorsqu’ils ont compris que je cherchais plus à valoriser ces territoires marginalisés, ils ont commencé à s’y faire et m’ont même beaucoup encouragé». Cet encouragement et cette motivation de la communauté de Douar Shanty dont fait toujours partie Mourad Fedouach ont été immortalisés.
L’artiste a capturé l’instant où, devant la gare ferroviaire de Kénitra, un cheval l’attendait et tous les voisins du quartier étaient là pour l’accueillir en grande pompe lorsqu’il a remporté le grand prix dans «Dream Artist». «Ce sont eux qui m’ont demandé de me présenter à cette émission et ce sont eux qui m’ont toujours prêté main forte. Cette photo où ils sont réunis le jour de mon arrivée, je l’ai prise du haut du cheval et j’ai emprunté l’appareil photo de mon ami Younes», se rappelle Mourad Fedouach, qui porte une grande tendre à sa famille de Douar Shanty. «Ils m’ont dit “on souhaite que tu participes à cette émission et que tu parles de notre douar”. Je me suis tout de suite senti investi d’une mission», précise-t-il.
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Toutes ces personnes que l’on voit sur ses clichés exposés à l’American Arts Center de la capitale économique n’ont à aucun moment refusé d’être photographiées et montrées au monde. Aucune violence, aucune colère, aucune situation humiliante ne transparaît dans ses photos. Bien au contraire, de l’amour, de la tendresse, de l’optimisme et de l’espoir se dégagent de ces clichés colorés et où la grande sensibilité et la pudeur de Mourad Fedouach sont là, bien gravés.
S’il est encore jeune et si aujourd’hui sa vie est en train de prendre un nouveau tournant, après avoir également exposé, au sein d’un collectif, au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat et au Musée national de la photographie, également dans la capitale, Mourad Fedouach ne prend pas pour autant la grosse tête: «J’ai appris sur le tas d’abord, en regardant beaucoup de photos d’artistes connus et reconnus, puis j’ai commencé à apprendre les règles et les codes de la photographie sur Internet.»
A propos du jeune artiste, Amine Boushaba, qui a assuré la direction artistique de ce projet, écrit: «En photographiant des moments de vie, miroir d’une dure réalité, en se faisant diariste de cette vie dépouillée et sans artifice, il en appelle à notre sensibilité. (...) From Douar Shanty to New York est un magnifique pied de nez, une belle et touchante farandole, contre les a priori et les clichés douteux qui nous encombrent». Une belle leçon de courage, d’humilité et d’espoir.