L’art et l’argent font bon ménage. Ils sont inséparables. L’argent permet à l’art de se développer et aux œuvres de circuler. Les œuvres d’art permettent souvent à ceux qui ont de l’argent de paraître et de se positionner dans une sphère qui dénote d’un goût très souvent admiré et salué par un grand nombre. Cette conjonction argent-œuvres d’art n’a pas de frontières. D’où que l’on vienne, où que l’on soit, les marchands déroulent le tapis rouge à ceux qui ont les moyens d’acheter. Parmi les nouveaux acheteurs, adulés et choyés, figurent de nouveaux entrants : les gens du Golfe qui paradent dans les grandes foires d’art contemporain dans leurs habits traditionnels et qui sont accueillis par des marchands dont les yeux sont illuminés par la perspective de faire des affaires en or.
Ce sont ces nouveaux collectionneurs et plus particulièrement collectionneuses que l’artiste marocaine Majida Khattari a fait parader d’une façon inattendue pendant la Foire Internationale d'Art Contemporain (FIAC), qui se déroule, du 21 au 25 octobre 2015, à Paris. Voilées de la tête aux pieds avec la célèbre abaya noire, portant des sacs Hermès avec des images d’une actualité criante (Obama, Netanyahou, les dirigeants du Golfe, des scènes de guerre et d’attentats, la route du pétrole…),
Majida Khattari et ses modèles ont laissé derrière elles un parfum de malaise dans les allées du Grand-Palais, mardi 21 octobre. Ces riches acheteuses étaient certes là, mais elles arboraient des sacs avec des scènes qui renvoient les marchands qui seraient tentés de leur faire les yeux doux, à une actualité douloureuse. Majida Khattari commente en ces termes sa performance intitulée «Luxe, oil and arrogance» : « En abordant les rivages de l’or noir, l’univers visuel, économique et culturel du monde de l’art contemporain s’est transformé. Les nouvelles acheteuses portant abayas noires et accessoires de luxe, déambulant dans les allées des foires, de Bâle à Miami, Dubai et Paris, étonnent et détonnent. Entre rejet et fascination mutuels, art et luxe apparaissent comme les rares vecteurs d’échange entre deux mondes tout deux confrontés à la violence religieuse et politique.»
Avec cette performance dont on entendra certainement encore parler, Majida Khattari met à la face de ceux qui ne veulent pas les voir certaines réalités du contexte où vivent les riches acheteuses du Golfe. Elle le fait sans morale, ni dénonciation ou militantisme. Juste comme une scène répétitive dont un artiste s’empare et qu’il reproduit sur un mode réaliste.