Hicham Benohoud: "Bienvenue à chekarraM"

Brahim Taougar - Le360

Présent à Marrakech pour la 5e édition de la Biennale, le grand photographe plasticien Hicham Benohoud a répondu à nos questions pour nous présenter l'installation qu'il propose cette année au festival et nous parler de son rapport à l'art.

Le 01/03/2014 à 11h23

Le360 : Hicham Benohoud, vous êtes présent cette année à la 5e Biennale de Marrakech. Que présentez-vous dans le cadre de ce festival ?

Hicham Benohoud : Je présente plusieurs oeuvres différentes. Sur le toit de Bank Al-Maghrib, qui participe à la biennale, j’ai créé un espace particulier. Une sorte d’écrit dramatique mis en scène comme un restaurant parcouru de grandes lettres. C’est une installation que j’ai créée il y a longtemps et que la Biennale a voulu présenter car elle a souvent été exposée à l’étranger, mais jamais au Maroc. Je l’ai intitulée "Bienvenue à Marrakech", un titre écrit en grand, qui s’illumine la nuit pour être vu, et où j’ai écrit Marrakech à l’envers.

Pourquoi donc avoir écrit à l’envers le nom de la ville ?

Parce que Marrakech est une ville qui est à l’envers. Certains pensent qu’elle est à l’endroit. Quand on vient à Marrakech pour y passer quelques jours, c’est charmant, c’est ensoleillé, c’est rouge, c’est agréable, mais il y a aussi un autre aspect que les gens ne voient pas et qui sont terribles. Donc, écrire Marrakech à l’envers est une façon de dire qu’il y a des choses qui ne vont pas, qu’on ne voit pas ou n’a pas envie de voir.

Cet aspect est d’ailleurs extrêmement prégnant dans vos photographies, notamment vos autoportraits, où vous mettez en scène de façon saisissante la censure et le non-dit...

C’était la première fois que je retournais l’objectif sur moi, pour cette série en noir et blanc d’autoportraits que vous évoquez. En fait, j’étais à l’étranger, et j’ai arrêté mon travail de professeur. Je me suis alors rendu compte, sans mes élèves, que je n’avais plus de modèle. Je me suis alors servi de moi-même comme modèle pour évoquer, effectivement, la question de la censure, des tabous.

Vous laissez s’exprimer votre imaginaire du monde, vous laissez au spectateur la liberté de traduire comme il veut ou peut ce que vous mettez en scène. Mais pensez-vous que votre message est perçu, reçu, par le public ?

Ce que je peux dire, en tout cas, c’est que mes photographies ne laissent pas les gens indifférents. Même quand ils sont paumés, n’ont aucun repère, ils réagissent. En France, à l’étranger, les gens ont l’habitude de voir des expositions, et qui apprécient mon travail à la lumière d’une certaine culture qu’ils ont. Au Maroc, les gens n’ont pas l’habitude de voir des images aussi étonnantes, surprenantes. Donc, ici, c’est marrant, quand les gens rencontrent mes photographies, ils rigolent alors que souvent, à l’étranger, les gens sont interpellés, peinés, ressentent la douleur. 

Par Bouthaina Azami
Le 01/03/2014 à 11h23