Ici, il y a l’Océan qui perdure, empire d’espérances et de rêves, horizon de paix où le jour se lève avec lenteur, il vient de très loin, il a traversé des mémoires intempestives, chacun de ses gestes le rappelle sans briser l’harmonie qui sied à ces lieux
Ici, l’Océan continuera d’être la preuve, comme un théorème intangible, d’une humanité entremêlée et partagée, la sienne et la nôtre, rien ne lui fera rompre le serment de rester loyal quoi qu’il advienne
Le ciel gouverne avec une infinie grâce bleue et ne songe qu’à conférer sa plus belle lumière à tout ce qu’il effleure avec le bout de ses doigts
Le temps passe avec une douceur presque immobile
On peut le toucher à certaines heures avec nos mains -inutiles- et notre âme quand nous marchons au bord de la lagune
Nous titubons de bonheur, mais l’Océan n’est jamais pris de court, il voit pour nous, il délimite et précise ce qui doit être vu
Ici, il y a une mémoire plus ancienne que les traces que nos pas laissent derrière eux
Il y a une raison comme une saison intemporelle qui précède toutes les raisons, c’est une saison qui continuera d’être quand nous ne serons plus là, pour célébrer les hommes dans leur véritable demeure
Il y a les étoiles invisibles qui courent d’un bout à l’autre du jour et des étoiles qui fleurissent comme des pétales de bonheur sur les lèvres du monde
Il y a le sable
Et notre présence sur le sable
Ce miroir de l’instant et du siècle
Il y a l’horizon extatique
Et l’incomparable arrivée du soir
Sur la dune blanche
Et la source chaude
Il y a l’éclat divin
Sur le désert et l’Océan
L’aube est ici arrimée à nos premiers rêves
Tout est drapé dans une soie immatérielle
Et tout marche sur une ligne de crête avec des pieds d’anges aussi doux que des pétales de roses
Quand le soir tombe, une voix lance à ceux qui marchent dans ces terres :
De quelle source sommes-nous le fruit ?
Et de quelle espérance ?
On ne peut croire qu’une tragédie ancienne s’est jouée ici contre nous, car on prend conscience dans ces terres de sa joie d’être
Ici l’homme est ivre d’une incommensurable liberté s’il doit continuer de livrer des batailles décisives avec lui-même pour trouver sa juste place dans le monde
Dakhla est une oasis
Une main tendue
Une fraternité partagée
J’ai vécu Dakhla comme un rendez-vous avec moi-même, une traversée de lieux qu’on porte en soi et qui forgent les êtres que nous sommes
Dakhla, c’est l’aube à venir, dans la plus limpide lumière
Et demain est sur tous les fronts, car demain est enfin libéré, comme l’écrit mon ami Kaïsse
J’ai senti sur mes paupières autant que dans mon cœur, avant de le voir avec mon âme et mes yeux, ce jour advenu, car tout désormais est horizon et ne rêve que d’apaisement, la brutalité et les déchirements n’ont pas lieu d’être dans ces terres minérales et bleues
Tout est désormais horizon ouvert et des enfants jouent dans l’aube à venir
Tout est désormais horizon et les enfants réinventent des criques pour imiter les Fous de Bassan, les cormorans et les goëlands ainsi que tous les oiseaux des mers
C’est cela la vraie source qu’on ne peut voir avec les yeux
Ici, disais-je, l’Océan perdure et répète inlassablement, adossé à la plus lointaine mémoire, qu’il continuera d’être le visage de notre humanité partagée






