Dakhla

L'écrivain Kebir Mustapha Ammi.

TribuneCette précieuse contribution de l’écrivain, romancier et essayiste Kebir Mustapha Ammi est une célébration poétique de Dakhla, lieu de mémoire et d’harmonie où l’Océan, témoin millénaire, incarne la permanence du rêve humain. À travers une méditation lyrique, l’auteur déploie une vision où le temps se suspend, où le ciel, le sable et l’eau composent une fraternité primordiale. Dakhla devient alors une oasis de paix intérieure, un rendez-vous avec soi-même, un horizon libéré où l’homme retrouve sa juste place, porté par la liberté et la lumière.

Le 22/11/2025 à 08h58

Ici, il y a l’Océan qui perdure, empire d’espérances et de rêves, horizon de paix où le jour se lève avec lenteur, il vient de très loin, il a traversé des mémoires intempestives, chacun de ses gestes le rappelle sans briser l’harmonie qui sied à ces lieux

Ici, l’Océan continuera d’être la preuve, comme un théorème intangible, d’une humanité entremêlée et partagée, la sienne et la nôtre, rien ne lui fera rompre le serment de rester loyal quoi qu’il advienne

Le ciel gouverne avec une infinie grâce bleue et ne songe qu’à conférer sa plus belle lumière à tout ce qu’il effleure avec le bout de ses doigts

Le temps passe avec une douceur presque immobile

On peut le toucher à certaines heures avec nos mains -inutiles- et notre âme quand nous marchons au bord de la lagune

Nous titubons de bonheur, mais l’Océan n’est jamais pris de court, il voit pour nous, il délimite et précise ce qui doit être vu

Ici, il y a une mémoire plus ancienne que les traces que nos pas laissent derrière eux

Il y a une raison comme une saison intemporelle qui précède toutes les raisons, c’est une saison qui continuera d’être quand nous ne serons plus là, pour célébrer les hommes dans leur véritable demeure

Il y a les étoiles invisibles qui courent d’un bout à l’autre du jour et des étoiles qui fleurissent comme des pétales de bonheur sur les lèvres du monde

Il y a le sable

Et notre présence sur le sable

Ce miroir de l’instant et du siècle

Il y a l’horizon extatique

Et l’incomparable arrivée du soir

Sur la dune blanche

Et la source chaude

Il y a l’éclat divin

Sur le désert et l’Océan

L’aube est ici arrimée à nos premiers rêves

Tout est drapé dans une soie immatérielle

Et tout marche sur une ligne de crête avec des pieds d’anges aussi doux que des pétales de roses

Quand le soir tombe, une voix lance à ceux qui marchent dans ces terres :

De quelle source sommes-nous le fruit ?

Et de quelle espérance ?

On ne peut croire qu’une tragédie ancienne s’est jouée ici contre nous, car on prend conscience dans ces terres de sa joie d’être

Ici l’homme est ivre d’une incommensurable liberté s’il doit continuer de livrer des batailles décisives avec lui-même pour trouver sa juste place dans le monde

Dakhla est une oasis

Une main tendue

Une fraternité partagée

J’ai vécu Dakhla comme un rendez-vous avec moi-même, une traversée de lieux qu’on porte en soi et qui forgent les êtres que nous sommes

Dakhla, c’est l’aube à venir, dans la plus limpide lumière

Et demain est sur tous les fronts, car demain est enfin libéré, comme l’écrit mon ami Kaïsse

J’ai senti sur mes paupières autant que dans mon cœur, avant de le voir avec mon âme et mes yeux, ce jour advenu, car tout désormais est horizon et ne rêve que d’apaisement, la brutalité et les déchirements n’ont pas lieu d’être dans ces terres minérales et bleues

Tout est désormais horizon ouvert et des enfants jouent dans l’aube à venir

Tout est désormais horizon et les enfants réinventent des criques pour imiter les Fous de Bassan, les cormorans et les goëlands ainsi que tous les oiseaux des mers

C’est cela la vraie source qu’on ne peut voir avec les yeux

Ici, disais-je, l’Océan perdure et répète inlassablement, adossé à la plus lointaine mémoire, qu’il continuera d’être le visage de notre humanité partagée

Par Kebir Mustapha Ammi
Le 22/11/2025 à 08h58