Pour la première fois, un film marocain, «Ana Machi Ana», a été doublé en arabe égyptien et distribué dans les salles de cinéma dans ce pays. Dans cet entretien avec Le360, son réalisateur Hicham El Jebbari revient sur cette expérience inédite, l’accueil fait au long-métrage par le public égyptien et sur les perspectives que le doublage peut ouvrir au cinéma marocain.
Le360: Vous venez de réaliser une expérience inédite en procédant au doublage en arabe égyptien de votre film «Ana Machi Ana». Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce choix?
Hicham El Jebbari: Je suis très fier de cette initiative, sans précédent dans le cinéma marocain. En doublant «Ana Machi Ana» en arabe égyptien, nous avons souhaité le présenter à un public plus large et le rendre plus accessible aux spectateurs égyptiens. C’est d’ailleurs la première fois qu’un long-métrage marocain est l’objet d’une distribution dans les salles de cinéma égyptiennes. Je pense que c’est la meilleure manière d’éveiller la curiosité du public égyptien et de l’inciter à découvrir le cinéma marocain.
S’agit-il d’une expérience isolée, ou prévoyez-vous d’autres initiatives similaires?
Je ne vois pas ce doublage comme une expérience ponctuelle, mais plutôt comme le début d’une tradition qui pourrait ouvrir de nouveaux marchés au cinéma marocain. Notre industrie cinématographique ne peut pas se limiter au public local. Il faut prendre des initiatives audacieuses comme celle-ci pour la développer et attirer un public hors des frontières.
«Si nous voulons que le cinéma marocain soit compétitif à l’international, nous devons nous adapter aux marchés que nous visons, et le doublage est une étape essentielle dans ce sens.»
Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont le doublage a été réalisé, notamment en ce qui concerne le choix des voix et l’adaptation des blagues marocaines?
Le processus a nécessité plusieurs étapes minutieuses. Nous avons tout d’abord dû sélectionner des voix égyptiennes capables de coller à la personnalité des personnages marocains, comme ceux joués par Aziz Dadas et Dounia Boutazout. Ensuite, nous avons transposé les blagues et les expressions marocaines en équivalents égyptiens. L’idée était de rester fidèles à l’essence de l’humour et à l’esprit des scènes, sans dénaturer l’histoire. Cela demande une certaine sensibilité et une bonne connaissance des deux cultures, mais le résultat est très satisfaisant.
Comment le public égyptien a-t-il accueilli le film lors de sa projection au Festival du film du Caire?
La réaction du public lors de cette première projection a été très positive. Les spectateurs égyptiens ont été agréablement surpris par la qualité artistique du film et par l’humour marocain, qu’ils ont trouvé proche de leur propre sens de l’humour. Ceci m’a conforté dans l’idée que notre démarche de doublage était pertinente.
Certaines voix au Maroc ont critiqué l’idée d’un doublage, estimant que ce dernier dénaturait l’identité du film…
Je trouve ce débat stérile. Si nous voulons que le cinéma marocain soit compétitif à l’international, nous devons nous adapter aux exigences des marchés que nous visons, et le doublage est une étape essentielle dans ce sens.