Il est une tradition purement féminine que l’on célèbre au Maroc, la Chaâbana. Célébrée quelques jours avant le mois de Ramadan, cette veillée est l’occasion pour de nombreuses femmes de se réunir et de fêter ensemble, à huis clos, l’arrivée du mois sacré. Une tradition ancestrale, qui se perpétue de mère en fille, et qui représente une spécificité marocaine.
Fêtée par les femmes, et uniquement par les femmes, Chaâbana n’a aucune teneur religieuse et tire ses origines de l’histoire païenne du Maroc.Tout le monde ne s’accorde pas sur ses origines mais il est probable que celle-ci puise ses racines dans les fêtes rurales ancestrales, au cours desquelles les femmes, détentrices des rituels sacrés et mystiques, se réunissaient dans les mausolées pour y adresser leurs prières aux saints, tout en préparant à manger, en dansant et en chantant. Ce n’est que plus tard que cette fête, qui possède de nombreux détracteurs parmi les conservateurs religieux, aurait été intégrée au calendrier musulman.
Mais malgré l’inimitié qu’elle suscite chez certains, il n’en demeure pas moins que cette tradition ancestrale qui fait partie intégrante de notre patrimoine culturel a perduré à travers les siècles et aujourd’hui encore, au XXIe siècle, les préparatifs vont bon train. On se retrouve entre femmes de plusieurs générations, chez une grand-mère, une tante, une voisine, une amie, pour s’atteler ensemble aux préparatifs de cette veillée. On met la main à la pâte pour préparer des gâteaux, celles qui n’ont pas le temps de cuisiner ramènent un plat, on se pare de notre plus beau caftan, on confie nos mains à la neggafa et surtout, surtout, on chante et on danse.
Cette veillée exclusivement féminine, qui se déroule bien loin du regard des hommes qui ne sont pas conviés à l’évènement, est une véritable catharsis pour les femmes. C’est une occasion de s’épanouir et de vivre ensemble des moments de gaieté sans pour autant être jugées par les regards masculins. Car la Chaâbana a de tout temps offert la possibilité aux femmes, privées à une certaine époque d’accès à l’espace public et aux manifestations artistiques, de se réunir pour faire la fête.
Ainsi, au-delà de l’aspect festif de cette veillée organisée pour les femmes et par les femmes, il est surtout question de s’affranchir du regard et du contrôle des hommes. Mais pas que: au même titre que les autres fêtes entre femmes, à l’instar de lgdida– célébration réservée aux femmes mariées pour favoriser la fertilité– il est aussi question de tisser des relations sociales et des pactes entre familles.
Cette année, avec l’allègement des restrictions sanitaires et le retour à la vie normale, la Chaâbana n’en sera que plus joyeuse.