Elles étaient sept…

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

Chronique«Elle ne réussira pas à cumuler deux fonctions, c’est humainement impossible», clament certaines, qui, une fois rentrées chez elles, expliquent par A+B à leur mari la capacité des femmes à faire plusieurs choses en même temps, contrairement aux hommes, ces créatures primaires et mono-tâches.

Le 17/10/2021 à 12h05

Elles étaient sept femmes à endosser un poste de ministre dans le nouveau gouvernement dirigé par Aziz Akhannouch, et elles ne sont plus que six. Un peu comme dans Les Dix petits nègres d’Agatha Christie, ou plutôt dans Ils étaient dix (la cancel culture est passée par là), Nabila Rmili a quitté la scène. Enfin, quitter, façon de parler, elle garde tout de même ses fonctions de maire de Casablanca et les Casablancais peuvent en témoigner, diriger une ville comme Casa, c’est pas de la tarte.

Mais ce qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les compétences de Madame Rmili. Pour ça, la Toile marocaine, comme à son habitude, s’en est chargée en s’exprimant haut et fort sur le sujet. Elle a jugé, forte de sa connaissance et de son expertise dans à peu près tous les sujets, que Madame Rmili ne pourrait pas cumuler deux fonctions. Oui, le cumul des fonctions est légal, mais non, les citoyens internautes s’y opposent. Enfin, surtout dans le cas de Nabila Rmili… Pour celles et ceux qui croyaient encore en wonder woman et ses supers pouvoirs, ils ne connaîtront jamais la fin de ce film-là.

Mais encore une fois, la question de savoir si elle aurait pu ou pas assurer aux manettes des deux jobs de maire et ministre a été résolue. Inutile de s’attarder là-dessus. Ce qui nous intéresse donc ici, c’est la manière dont les femmes, parmi lesquelles beaucoup se revendiquent féministes, ont abordé le sujet de la nomination de ces sept femmes au gouvernement et comment elles se sont littéralement écharpées (et continuent de le faire) quand il s’agit de parler de leurs compétences.

Plusieurs profils se dessinent. D’un côté, celles qui applaudissement le chiffre sept, car c’est une grande première au Maroc que d’avoir autant de femmes ministres aux commandes de ministères, et non des moindres. Ces femmes et féministes là ont donc très mal réagi au retour du précédent ministre de la Santé à son poste. «Pourquoi remplacer une femme par un homme?», se sont-elles insurgées. «N’y a-t-il donc pas de femmes compétentes dans le domaine de la santé pour que l’on décide de piocher encore une fois dans les réserves politiques masculines?». Notons bien au passage qu’en aucun cas, les compétences de Khalid Aït Taleb n’ont été remises en question.

Dans l’autre camp, il y a celles qui ont aussi applaudi ces nominations féminines mais qui ne sont pas pour autant choquées que le départ de Mme Rmili fasse diminuer la représentation des femmes au gouvernement. Faut pas pousser non plus le bouchon trop loin. «La parité c’est bien mais pas aux dépens des compétences», arguent-elles à leur tour, sans quoi on verse dans la discrimination positive. Est-ce franchement souhaitable? D’autant qu’assurer une continuité à la tête du ministère de la Santé, et surtout en ces temps de pandémie, n’est pas une mauvaise chose en soi.

Enfin, le troisième profil de ces femmes prétendument féministes convaincues est un peu plus complexe en ce qu’il est un mélange des deux précédents à quelques nuances près et c’est là que ça se complique. D’un côté on applaudit à tout rompre la nomination de sept ministres femmes, mais de l’autre, on organise sur la Toile des campagnes de bashing assez violentes, pour ne pas dire très violentes parfois, pour dézinguer certaines femmes nommées. «Celle-ci n’a pas le CV adéquat pour le poste qu’elle occupe», et puis l’autre là, «jamais entendu parler, elle doit pas valoir grand-chose, si elle a obtenu son poste c’est grâce à son mari, qui lui a un profil EX-CEP-TIO-NNEL, d’ailleurs c’est lui qui aurait dû être nommé»…

Ou encore, «celle-là ne réussira pas à cumuler deux fonctions, c’est humainement impossible», clament encore certaines, qui une fois rentrées chez elles, expliquent par A+B à leur mari la capacité extraordinaire des femmes à faire plusieurs choses en même temps, contrairement aux hommes, ces créatures primaires et mono-tâches.

La femme est la pire ennemie de la femme, on ne le répétera jamais assez… Et pendant ce temps-là, c'est-à-dire pendant qu’on scrute à la loupe de notre prétendue expertise le profil des nouvelles venues, étrangement, on ne fait pas de même avec les ministres de sexe masculin. Circulez y'a rien à voir, rien à dire et rien à redire. Que faut-il comprendre dans cet acharnement d’une part, et ce silence béat de l’autre de la part de femmes prétendument féministes? 

Alors, pour peu qu’on veuille se prétendre féministe, rendons service à ces femmes ministres et arrêtons d’en parler. Du moins, le temps de leur laisser le temps de se mettre au travail et de faire la démonstration de leurs compétences.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 17/10/2021 à 12h05