De la médiumnité

F. Pomel

ChroniqueJ’espère sincèrement, en ce ramadan de l’an de grâce 1443, que vous n’allez pas condamner au bûcher les deux femmes formidables dont je vous parle là… Et moi non plus, d’ailleurs!

Le 14/04/2022 à 10h00

J’ai écouté, il y a peu, l’enregistrement sonore sur mon téléphone d’une consultation très spéciale que j’avais eue ici, près d’Essaouira. Une numérologue m’avait reçue chez elle, pour deux heures d’entretien, par un bel après-midi de début février.

Auparavant, au matin, elle avait travaillé, seule, à son bureau, sur mon thème numérologique, en se basant sur les vibrations des nombres que donnent mes prénom et nom.

Sabine s’aide d’un support (on appelle ça un «médium»), soit la numérologie, une technique (elle, elle appelle cela une «science» -je n’ai pas cette prétention, puisque tout cela reste imprécis), presque aussi ancienne que l’humanité, pour étayer ce qu’elle «sent», ce qu’elle ressent, de ce que vous êtes.

Je ne vais pas vous décrire par le menu ce qu’elle m’a révélé, soyez rassurés (ou non, je reconnais bien là les petits curieux). Mais je peux vous dire ceci: l’expérience fut étrange, aux frontières de ce que nous savons de l’intelligence humaine.

Etre face à une inconnue qui vous déroule votre vie, votre personnalité, même dans les tréfonds de ce que vous n’avez pas forcément envie de révéler, ce qu’il risque d’advenir, reconnaissez que cela a quelque chose de déroutant.

Je suis pourtant (presque) une habituée de l’exercice. Une autre Sabine, quant à elle cartomancienne, m’avait, à Rabat, et à plusieurs reprises, épatée par la justesse de ses révélations et de ses prédictions. Je te reverrai avec plaisir, autre et première Sabine, s’il me vient à l’idée de repasser par la capitale, ce qui n’est pas à l’ordre du jour dans l’immédiat.

Halte-là! N’avançons pas plus avant, car je dois vous avouer que je suis moi-même quelqu’un de très intuitif, depuis toujours. Certaines de mes prémonitions, toujours spontanées, me sidèrent moi-même, elles sont souvent anodines, des prédictions d’un quotidien somme toutes plutôt banal. Ces deux Sabine-là m’ont d’ailleurs confirmé que je pourrais très bien être des leurs, pour peu que je m’en donne la peine…

Il me manque, à moi, un médium, un support que je n’ai pas du tout été chercher, le cheminement de ma vie ayant été très tortueux. Tout cela, et entre autres, parce qu’un psy casablancais, pourtant jungien de son obédience, m’avait adjurée: «surtout pas d’ésotérisme!», un jour que je lui avais dit que je ressentais cette envie, certes bizarre, de contempler longuement le reflet de l’eau dans un verre à pied en cristal, et que j’y voyais parfois des fumerolles, ce qui, mes lectures de l’époque l’attestaient, était le début d'une mise au jour de certains aspects de notre inconscient, encore largement méconnus. L’ouverture du fameux «troisième œil», quoi… Mais je m’arrête là, car j’en entends déjà certains commencer à rigoler doucement.

Ouh là, oui! J’entends même déjà certains d’entre vous pousser des cris d’orfraie, s’emparer de leur smartphone ou de leur ordi, et s'exclamer fébrilement ci-dessous: charlatanisme! Escroquerie! Mensonges! Folie!

Et cet argument qui se veut massue, que brandissent sans coup férir les disciples d’un rationalisme que je trouve très étriqué: «dis, puisque tu es médium, tu ne pourrais pas nous dégoter les chiffres du loto, et dans l’ordre, s’il te plaît? Fissa, de préférence?»

Non, ni la Sabine d’Essaouira, ni celle de Rabat, encore moins votre servitrice -je mets, pour l’heure, mes modestes capacités intuitives avant tout à mon propre service-, ne sont à même de vous révéler la meilleure manière de devenir subitement milliardaire, à moindre effort.

Tout simplement parce que les méandres de notre inconscient sont insondables, que ces femmes, et ces quelques hommes courageux, sont des sortes de défricheurs des incroyables capacités de l’entendement humain. Ce qu’ils vous décrivent, c’est ce que nous n’avons pas encore compris: des milliards de paramètres, d’informations, que notre cerveau, ou notre entendement, comme vous le voulez, analysent à la vitesse de l’éclair -c’est peu dire. L’intuition, c’est l’intelligence qui a commis un excès de vitesse. Une accélération fulgurante, qui permet de mieux comprendre une situation. Une prémonition a cela de formidable qu’elle permet de comprendre ce qui nous attend.

Une intuition ne vient pas sur commande et évidemment, tout déterminisme est impossible, même si je crois qu’il y a des points nodaux, des rendez-vous dans chaque vie qui sont inéluctables. Mais dans une vie en mouvement, et en interaction constante avec des milliards de paramètres, d’autres vies, des incidences et des occurrences, lesquelles se comptent également par milliards, il est possible pour nous de modifier ce qui advient.

Vous l’aurez compris: rien, ou presque, n’est écrit. A mon sens, Dieu Seul sait, et je vous laisse bien entendu libres de vos croyances… La vie est un champ des possibles, une partition que nous écrivons nous-mêmes. Je refuse ce diktat mortifère d’un fatalisme qui, souvent, dans notre pays, nous condamne à une passivité qui nous bride, nous empêche d’être les acteurs de notre destin.

PS. Cette ressource pour ceux qui veulent en savoir plus: l’excellent site informatif d’une médium parisienne, qui fut, dit-on, souvent consultée par feu François Mitterrand (difficile de le taxer d’imbécillité): https://www.maudkristen.com/

Second, et très important post-scriptum. La semaine dernière, j’ai omis de préciser ce qui pour moi allait de soi: sur Terre, l’Afrique est le continent où il y a le plus de guerres. Les réfugiés de notre continent fuient non seulement la misère, mais aussi le théâtre de conflits qui, pour ne pas être aussi médiatisés que celui qui se déroule actuellement sous nos yeux en Ukraine, n’en sont pas moins cruels. Affirmer dans ce cas que la tragédie des réfugiés d’Afrique en mer Méditerranée, qui tentent au péril de leur vie de rejoindre l’Europe, n’est pas équivalente à celle des réfugiés d’Ukraine, n’est pas la conception que je me fais de la simple humanité… Je vous renvoie à ce propos à l’excellente chronique, publiée sur ce média pas plus tard que mardi dernier, par Bernard Lugan.

Par Mouna Lahrech
Le 14/04/2022 à 10h00