Trois anecdotes ramadanesques

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ChroniqueLe vrai croyant s’occupe de lui-même, pas des autres. Fichons-nous les uns les autres la paix!

Le 06/06/2018 à 11h59

C’est une collègue française, K. S., qui m’a raconté cette anecdote. Elle se trouvait la semaine dernière à Hébron, en Palestine, dans le cadre de son travail de recherche. Alors qu’elle faisait des courses dans un petit magasin, une femme s’approcha d’elle et la pinça légèrement; puis s’en alla, sans dire un mot. K. n’y aurait pas prêté attention si elle n’avait pas été victime, la veille, du même étrange comportement: une autre femme l’avait discrètement pincée. Elle s’en ouvrit à un de ses amis, un anthropologue palestinien, qui éclata de rire:

– Elles veulent vérifier si tu fais le ramadan. Si c’est le cas, ta peau doit être un peu dure, pas élastique, quoi. C’est du moins ce qu’elles pensent.

K., interloquée, demanda:

– Qu’est-ce que ça peut leur faire? Je ne suis pas d’ici, je suis Française.

– Elles ne le savent pas. Tu as les cheveux noirs, tu parles arabe… Et puis, tu as l’air trop «réveillé». Ça les intrigue.

Autre anecdote: hier, je me suis retrouvé dans un Uber, à Paris, option «pool»– des gens qui ne se connaissent pas partagent la course. Le chauffeur, d'évidence un Français d’origine maghrébine, conduisait de façon assez baroque. De temps en temps, il passait la tête par la portière (la vitre baissée, bien sûr) et conduisait ainsi. On aurait dit qu’un décapité de frais avait pris le volant. D’accord, il était minuit passé et les rues étaient vides, mais quand même. Et justement, parce que les rues étaient vides, il roulait à tombeau ouvert– ce qui était assez logique, pour un homme sans tête.

Comme je fus le dernier à descendre, nous nous trouvâmes seuls pendant quelques minutes. J’en profitai pour lui demander pourquoi il conduisait de cette étrange façon.

– T’as pas senti, mon frère? La meuf à côté, sur le siège avant? Je crois qu’elle avait bu, ma parole! Et c’est ramadan! Tu crois que mon jeûne n’est plus valable? C’est pourquoi j’avais la tête dehors, pour ne pas respirer l’alcool. Et en plus, elle était court vêtue. Tfou! J’aurais dû refuser la course.

- Vous en avez le droit?

- C’est ma voiture, non?

Troisième anecdote (qui se passe en Algérie): une jeune fille voilée fait son footing une heure avant la rupture du jeûne. Un homme l’aborde, l’insulte puis la frappe, carrément. Pourquoi? Parce que le butor estime que c’est haram, pour une femme, de courir pendant la journée. Nous avons tous vu la vidéo: la jeune femme est très touchante dans son désarroi compréhensible.

Maintenant, qu’est-ce que ces trois histoires ont en commun? Un finkielkraut ou un ericzemmour, ces deux variétés de haine islamophobe, en tireraient la conclusion que l’islam est un problème que le ramadan exacerbe. Nous pourrions en tirer une autre conclusion: dans ces trois anecdotes, quelqu’un n’a pas compris la règle numéro 1 du ramadan: on le fait pour soi, pas pour les autres. Le vrai croyant s’occupe de lui-même, pas des autres. Fichons-nous les uns les autres la paix!

Par Fouad Laroui
Le 06/06/2018 à 11h59