Si vous croyez que cette chronique est hostile à la justice néerlandaise ou, plus généralement, au pays des tulipes, détrompez-vous. C'est tout le contraire. C'est un coup de chapeau décerné à trois juges bataves dont l'ingéniosité a permis de condamner le sinistre Geert Wilders, l'équivalent de Le Pen (moins l'antisémitisme car Wilders est un sioniste virulent).
Ledit Wilders passait dernièrement en jugement pour avoir à nouveau insulté les Marocains, en gros et en détail. A des supporters assemblés dans une taverne enfumée, quelque part dans les polders, il avait lancé : "Alors, les gars, vous voulez plus ou moins de Marocains dans ce pays?" La foule avait rugi : " Moins, moins, moins!" Et le Führer de conclure: "Je m'en occuperai (sous-entendu: dès que je serai au pouvoir)".
Il s'en occuperait comment? Déportations, chambres à gaz, stérilisation forcée? Beaucoup de Marocains, surtout parmi les enfants (ça communique, dans les cours de récréation) ont été traumatisés par ce "Moins, moins, moins!" On signale une recrudescence de pipi au lit chez les petiots...
Plus de six mille citoyens (Marocains et Néerlandais de souche) avaient alors porté personnellement plainte contre Wilders pour racisme, votre serviteur inclus.
Le procès vient d'avoir lieu. Wilders et ses avocats avaient le sourire aux lèvres parce qu'ils croyaient avoir un argument juridique en béton. La Constitution interdit le racisme, or les Marocains ne sont pas une race, pas plus que les Belges ou les Péruviens. Ergo, les propos de Wilders ne sont pas racistes.
Et c'est là que les juges ont fait preuve d'imagination juridique. Ils ont raisonné ainsi: un tournevis n'est pas une arme (on peut donc se promener avec un tournevis dans la poche sans permis de port d'arme), mais il peut devenir une “arme par destination“ si l'on s'en sert pour estourbir son voisin. De même, les Marocains ne sont pas une race au sens biologique du terme mais ils deviennent une race (“par destination“) si on les insulte collectivement. Grâce à cette astuce juridique, ils ont pu condamner Wilders pour racisme, à la grande fureur de celui-ci. Il a désormais un casier judiciaire, ce qui peut l'empêcher de se rendre dans certains pays, les Etats-Unis par exemple.
Il y a la vérité et il y a la vérité juridique, qui est une fiction. Parfois, on se prend à préférer la fiction à la réalité...