La onzième des Lettres philosophiques publiées par Voltaire en 1734 est entièrement consacrée à la vaccination, ce qui surprendra ceux qui croient qu’il s’agit d’une découverte scientifique récente.
Ce n’est pas le cas. Voltaire prend l’exemple de la variole (ou “petite vérole“) qui a fait des ravages pendant des siècles avant d'être éradiquée de la planète en 1976 grâce aux efforts de l’OMS. Et comme ses Lettres ont été écrites lors d’un exil forcé en Angleterre, c’est de nouveau de ce pays qu’il parle: «on dit (…) que les Anglais sont des fous et des enragés: des fous, parce qu’ils donnent la petite vérole à leurs enfants pour les empêcher de l’avoir; des enragés, parce qu’ils communiquent de gaieté de cœur à ces enfants une maladie certaine et affreuse, dans la vue de prévenir un mal incertain».
De quoi s’agit-il?
Voltaire explique que les Anglais de son époque ne faisaient qu’imiter les femmes de Circassie qui «sont, de temps immémorial, dans l’usage de donner la petite vérole à leurs enfants, même à l’âge de six mois, en leur faisant une incision au bras et en insérant dans cette incision une pustule qu’elles ont soigneusement enlevée du corps d’un autre enfant». Ainsi l’enfant “vacciné“ développe les anticorps qui le protégeront si un jour il rencontre le virus de la variole. (On peut supposer que celui qui est dans la pustule n’est plus actif.)
Un peu plus loin, Voltaire indique que «les Circassiens prirent autrefois cette coutume des Arabes».
Il s’agit des Arabes des premiers siècles de l’hégire. (Il n’y a pas que la coutume, d’ailleurs, il y a aussi la théorie: le premier ouvrage traitant de la variole, Al-judari wa al-hasbah, a été écrit par le fameux Abu Bakr Mohammad Razi - Rhazes en latin.)
Nous avons donc un argument supplémentaire pour convaincre les gens de se faire vacciner.
Certains de nos compatriotes entendent vivre comme nos ancêtres, les glorieux salaf. Ils s’habillent comme eux, se laissent pousser la barbe et usent du swak au lieu de dentifrice. Grand bien leur fasse, chacun peut bien vivre comme il le veut, du moment qu’il n’oblige personne à faire comme lui.
Grâce à Voltaire (ô ironie!), nous savons maintenant que nos salaf ont inventé la vaccination.
Traduisons donc en arabe, en darija et en tamazight sa onzième Lettre, intitulée “Sur l’insertion de la petite vérole“, et affichons-la dans les dispensaires à l’usage des salafistes.
Il ne reste plus qu’à dire bismillah et à dégainer la seringue.
PS. Tout cela suppose, évidemment, que nos amis chinois ou indiens aient l’obligeance de respecter leurs engagements et de nous fournir de quoi remplir la seringue.