Prenez ses voisins ou les amis de ses enfants, ils sont tous coupables! 

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ChroniqueLe «muslim ban» de Donald Trump ressemble au cri de ce policier des années de plomb, aveuglé par la rage: «Prenez n’importe quel parent de ce salaud, prenez ses voisins ou les amis de ses enfants, s’il le faut, ils sont tous coupables!»

Le 04/02/2017 à 18h55

Donald Trump me rappelle de mauvais souvenirs. Surtout un. C’était en 1981, quelques jours après les émeutes du pain, quand la police était venue chercher l’un de nos voisins, vaguement syndicaliste. Ils ne l’ont pas trouvé, alors ils ont cherché sa femme Walou. Elle s’était volatilisée. L’un des policiers, furieux, s’est mis à crier: «Prenez n’importe quel parent de ce salaud, prenez ses voisins ou les amis de ses enfants, s’il le faut, ils sont tous coupables!».

Ils sont tous coupables! J’étais bien jeune à l’époque mais je comprenais ce que cela voulait dire. Pas besoin de me faire un dessin. «Ils sont tous coupables»: cela veut dire qu’un homme s’est rendu coupable de quelque chose et, que sa culpabilité soit avérée ou non, peu importe, les siens vont devoir payer à sa place. C’est comme ça. La famille, les amis, les proches, bref toute la «tribu» y passe. Ils sont tous pris en otage. Tout ce petit monde doit payer tant que la police n’a pas mis la main sur le soi-disant coupable.

Cette situation, qui représente le comble de l’injustice et de l’arbitraire, mais aussi de l’absurde, résume assez bien l’esprit de cette triste époque appelée les années de plomb.

Toutes les personnes qui ont grandi dans les années 60, 70, et même 80, connaissent ces petites histoires horribles dans lesquelles une mère a été arrêtée à la place de son fils, son frère ou son mari, et où des familles entières ont été empêchées d’avoir un passeport ou un travail. Au Maroc, des villages et des régions ont ainsi souffert dans leur chair, collectivement et individuellement, pour un crime réel ou imaginaire commis par un des leurs.

Ils sont tous coupables! Parce que la mentalité du plus puissant le voulait ainsi. Elle ne faisait pas dans le discernement mais dans l’aveuglement et l’acharnement. Qui vole un œuf vole un bœuf, et c’est comme si toute sa «race» avait volé un bœuf aussi. Alors autant punir tout le monde...

Nous sommes dans la pure, pour ne pas dire dans la pire tradition de la vendetta, quand les puissants organisaient des expéditions punitives contre la tribu à laquelle appartient le récalcitrant, celui qui a volé un œuf ou refusé de payer une taxe. Nous sommes dans le même schéma hérité du moyen-âge: un homme se rebelle ou commet un impair et c’est toute sa «race» qui paie.

Les livres d’histoire et les histoires rapportées par nos grand-mères regorgent de ce genre d’anecdotes où les hommes sont jetés dans le même sac, où les peuples sont punis comme un seul homme.

Le «muslim ban» de Donald Trump ressemble à ces cauchemars. C’est une expression moderne de ces mauvaises émanations de la nature humaine. Il épingle et il bannit une religion, sept nationalités, sept peuples. Mais il n’est au fond que le cri de ce policier aveuglé par la rage: «Prenez ses voisins ou les amis de ses enfants, s’il le faut, ils sont tous coupables!». 

Par Karim Boukhari
Le 04/02/2017 à 18h55