Ils sont plus intelligents que nous

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ChroniquePassage en revue à peine décalé des formes les plus admirables, les plus brillantes, parmi les opposants au vaccin, ceux qui diront toujours non, et que personne ni rien ne fera changer d’avis.

Le 31/07/2021 à 09h08

Je vais finir par avoir une certaine admiration pour les anti-vaccins. J’admire leur courage, leur obstination, leur détermination. Ces qualités sont remarquables et quand un homme les réunit, il peut devenir le meilleur des hommes. Mais…

Bien sûr, ces hommes et ces femmes admirables ne se ressemblent pas. Il y a le bac + 15 qui refuse de se faire inoculer un vaccin dont il n’est pas sûr de la formule. Celui-là, il faut le pousser à fabriquer son propre vaccin.

Et il y a le bac – 15 qui te dit que son grand-père a vécu cent ans sans jamais prendre aucun vaccin. «Et il continuait d’honorer sa femme jusqu’à son dernier souffle!». Notre ami refuse de se faire vacciner parce qu’il croit qu’il ne tombera jamais malade. Il en est certain. Il a la foi. Il a grandi à l’ancienne, proche de la nature, de l’air de la campagne, il a une force intérieure que les hommes dans sa famille se passent de génération en génération. Et le vaccin est ce cheveu sur la soupe qui remet en cause jusqu’à sa virilité. Donc non, merci!

Il y a la jeune cadre, bien dans sa peau, que tout effraye, et qui a l’âme d’une militante pacifiste. «J’ai peur de la maladie, et j’ai encore plus peur du vaccin!».

Il y a celui qui ne comprend rien à rien, qui ne filtre ni ses lectures, ni ses fréquentations, et qui décrypte le monde à partir des blagues et des analyses désopilantes qui tombent sur son WhatsApp. «Je suis contre (le vaccin), c’est politique, tout ça ne peut être que politique!».

Il y a le militant sincère, vaguement gaucho, à qui on ne la fait pas. «C’est ma liberté (de refuser le vaccin), je ne peux pas croire à ce que dit le gouvernement, la télévision, les médias aux ordres, je refuse que l’on m’impose quoi que ce soit!».

Il y a le religieux, fataliste, qui croit au mektoub, qui refuse de s’affoler, et qui est habité d’une sagesse supérieure. «Quand dieu envoie une maladie, il envoie le remède aussi». Donc non au vaccin, le remède, un remède, la providence, finira bien par fleurir comme un jardin arrosé seulement à l’eau de pluie.

Il y a d’autres catégories encore, dont l’entêtement est tout à fait admirable. Comme ces personnes qui refusent le vaccin mais vont le faire en cachette. Ni vu, ni connu. Il y a une expression marocaine géniale qui résume ce formidable état d’esprit: «H’ssi M’ssi!».

Et que dire du médecin ou pharmacien, qui crie aux autres «vaccinez-vous», mais refuse de se vacciner lui-même. Il ne rentre dans aucune catégorie. Il n’est pas parano, ne croit pas s’opposer au «système» quand il dit non au vaccin. Et il ne va même pas nous faire «une Mounib», en référence à la figure la plus médiatique de la gauche féminine au Maroc, c’est-à-dire une fixation sur les manipulations de laboratoires, la connivence de régimes impérialistes, les astuces du Makhzen pour empêcher toute manif’ de rue, et autres joyeusetés.

Alors? Alors rien, dira notre ami, confondant et admirable de désinvolture: «Pourquoi voulez-vous tout expliquer? Je soigne bien des cancers de poumon alors que je fume comme une locomotive!».

Par Karim Boukhari
Le 31/07/2021 à 09h08