Encore une fois, une affaire d’homosexualité, ou plutôt d’homophobie grave et caractérisée, fait parler du Maroc. Bien sûr, on commence à avoir l’habitude. Mais attention, s’habituer à l’horreur ne veut pas dire l’accepter ou la normaliser.
Il y a quelques mois, à Fès, la foule s’est déchaînée «spontanément» contre un homosexuel. Nous avons tous vu ces images insoutenables, blessantes, cet acharnement incroyable. Nous avons vu comment des gens comme les autres ont traqué un homme seul comme on chasse une bête sauvage. Un homme qu’ils ne connaissent ni d’Adam ni d'Eve. Un homme habillé en femme. C’était là son crime. Son crime d’après eux. Nous avons vu comment ils étaient en train de le lyncher, comment ils étaient sur le point de le tuer et comment des policiers ont dû arrêter la victime et l’emmener au poste de commissariat…pour lui sauver la vie. Un cauchemar, comme une scène de film, qui rappelle les fameuses chasses à l’homme noir organisées par les tueurs racistes du Ku Klux Klan.
Il y a quelques jours, de nouvelles images venues, cette fois, de Béni Mellal vont plus loin encore. On y voit des hommes faisant irruption dans un appartement et battant violemment, jusqu’au sang, deux homosexuels. Les agresseurs, qui sont entrés par effraction, ont poussé le luxe jusqu’à dévêtir leurs victimes qu’ils ont continué de filmer pendant que les coups pleuvaient et que le sang coulait.
Si le «film» de Beni Mellal est intolérable, la suite des événements l’est tout autant. La suite, c’est la justice. Le tribunal. Deux des agresseurs ont écopé d’une peine de deux mois avec sursis. Ils sont donc en liberté. Les victimes sont en revanche en prison: la première a été condamnée à quatre mois de prison ferme. Et la deuxième, qui croupit aussi en prison, connaîtra son jugement en début de semaine…
Cette affaire connaîtra des développements puisque d’autres agresseurs sont en instance de jugement. Mais le fait, aujourd’hui, est que deux des agresseurs sont en liberté alors que les victimes sont en prison. Pour le moment, le tribunal de Béni Mellal a donc choisi de pardonner aux coupables et de sanctionner fermement les victimes.
Cela veut dire que le «crime», selon le tribunal, n’est pas le «home jacking» mais l’homosexualité.
Les juges ont donc appuyé «l’action» des agresseurs. Et la justice a donné raison à la société (si on considère, bien entendu, que les agresseurs de Béni Mellal sont une petite représentation de la société, ou d’un courant agissant de la société, ce qui n’est pas farfelu...).
Maintenant, si la justice obéit à des lois, la société repose sur une culture. Cela veut dire que nous avons affaire à une justice qui obéit à des lois homophobes et à une société qui répond d’une culture homophobe. Les deux sont en adéquation.Vu sous cet angle, le drame de Béni Mellal a au moins le mérite de nous ouvrir les yeux.