Pourquoi voyageons-nous? Comme la question parait facile et un peu bébête, les réponses seront nombreuses et aussi charmantes les unes que les autres.
Voyons, on voyage pour changer de décor, profiter du soleil, oublier le stress, découvrir des monuments, des civilisations. Et surtout pour laisser de côté le tberguig et la namima, ou l’art de parler des autres, de les surveiller, espionner, suivez mon regard…
Et puis, ne dit-on pas, comme dans nos livres d’enfance et dans nos contes de grand-mère, moralement lisses et bien pensants, que les voyages «forment la jeunesse»? Et, éventuellement, apaisent la vieillesse?
Tout cela est très bien. Mais on a oublié une réponse: on voyage aussi et surtout pour aimer. Aimer et s’aimer. Et pas seulement dans le sens platonique du terme.
Pour un couple, qu’il soit marié ou «libre», voyager est une aubaine pour recréer une nouvelle intimité loin des murs de la maison et du ciel bas de la ville. On transporte cette intimité et cet amour comme un bagage, le seul qu’on n’abandonnera jamais aux gendarmes, ni à quiconque.
Quand on dit, d’ailleurs, que les voyages forment la jeunesse, il faut gratter un peu derrière cette formule propre et lisse, pour réaliser que la «formation» de la jeunesse sous-entend l’amour, l’aventure, le plaisir…
Des couples, halal ou pas halal, voyagent pour relancer leur vie sexuelle. Pour repartir à la conquête de leur âme d’enfant émerveillé, insouciant, que tout peut de nouveau émouvoir, romantique à en pleurer.
Ils voyagent pour faire comme Adam et Eve, et goûter au fruit défendu. Mais sans être précipités loin du paradis, par un serpent de mauvais conseil ou un hôtelier revêche.
Parce que tout le problème est là. Il ne faut pas tourner autour du pot. La solution pour relancer le tourisme local est simple comme bonjour: traiter les touristes marocains comme s’ils étaient européens.
C’est-à-dire? Les accueillir avec le sourire, ne pas leur poser des questions et des remarques aussi stupides qu’inconvenantes, comme «Chkoun hadi? (C’est qui, celle-là?)», «Montrez-nous l’acte (de mariage)!», «Pourquoi n’habitez-vous pas la même ville si vous êtes mariés?».
Il faut arrêter aussi avec cette formule insupportable («Ah non, on ne sert pas l’alcool aux musulmans!») qui vous fait regretter de ne pas avoir la double nationalité. Tous ces verrous sautent, comme par enchantement, devant un touriste européen. Mais ils reviennent au galop pour le «local», le «musulman», ce touriste que l’on épie, dont on se méfie, que l’on surveille (espionne?) comme un potentiel malfaiteur…
Faites sauter ces verrous et vous verrez, le résultat sera prodigieux. Le tourisme local se portera comme un charme, et en toutes saisons svp. Malgré le coronavirus, malgré le variant indien, et toutes les crises possibles et imaginables.
Ce n’est pas qu’une question de lois qu’il faut changer, mais aussi de mentalité et d’attitude face à ce touriste local et «musulman».