Pour la sociologue Soumaya Naamane Guessous, la virilité est perçue au Maroc comme étant la première valeur d'un homme. Dès son plus jeune âge, on inculque au garçon une définition totalement erronée de ce qu'est la virilité. Il doit apprendre à étouffer ses émotions, il ne doit pas pleurer, car pleurer est un signe de faiblesse, etc. Deu coup, il grandit en se construisant une âme de guerrier dont l'objectif est de se défendre physiquement et de défendre les femmes de sa famille. C'est ainsi que la force physique devient synonyme d'autorité, ce qu'on retrouve d'ailleurs dans l'acte sexuel, et l'érection en est une composante essentielle.
La sexologue Amal Chabach dit constater "un changement réel mais lent sur la perception qu'ont les Marocains de la virilité". Il y a 15 ans, explique-t-elle, "l’homme ne réalisait pas que sa femme devait avoir un orgasme, croyant naïvement qu'elle ne pouvait pas, ne devait pas ou n'en avait pas besoin. Mais les choses sont en train d'évoluer". Elle nous affirme ainsi que de plus en plus d'hommes préfèrent arrêter l'acte sexuel quand leurs partenaires n'éprouvent pas du plaisir, au risque de s'en priver eux-mêmes. Cependant, Chabach remarque, à l'instar de Dr. Guessous, que l'homme, au regard de soi-même et de la société, ne se sent viril que quand il satisfait pleinement sa femme en quantité (fréquence des rapports) et en qualité (bonne érection et contrôle de l'éjaculation).
Les spécialistes s'accordent à dire aujourd'hui que ce glissement sémantique entre virilité et masculinité peut constituer un réel danger pour l'homme. Par peur de "ne pas être à la hauteur", le "mâle" peut entrer dans le cercle vicieux de l'angoisse et de la performance à tout prix. C'est ainsi que pour beaucoup d'hommes le Viagra est un "sauveur", une sorte de "tfousikha". L'obsession de l'érection pousse beaucoup de Marocains à ignorer les effets secondaires et les complications pouvant être liés à la consommation du Viagra. Certaines de ces complications peuvent d'ailleurs même entraîner la mort.
Le Viagra, sauveur de couples ?
"Pas du tout!", concède Dr. Amal Chabache. Un problème de couple est un ensemble d'interactions déséquilibrées qui ont aidé à créer des difficultés relationnelles, une perception erronée de "l'union", un mauvais jugement de l'autre ou encore une sensation de ne pas être aimé et accepté par le sexe opposé. Dans ce contexte, le Viagra ou n'importe quel autre médicament ne pourrait soigner le malaise que ressent un homme. Si celui-ci ne se sent pas admiré, soutenu et aimé par sa femme, même 10 comprimés ne le consoleraient pas. ‘‘Car l'homme n'est pas un robot, conclut notre sexologue, c'est un être sensible et entier... Une union sexuelle est, avant tout, une connexion esprit-esprit, cœur-cœur pour accomplir le corps-corps". En un mot, le couple c’est bien plus que des pilules.
