Une affaire qui risque de secouer le landerneau médiatico-politique en Espagne : un lieutenant de l’armée de terre risque d’être radié à vie par le ministère espagnol de la Défense, après avoir écopé, en juillet dernier, de deux mois de prison ferme. Motif : avoir diffusé un livre, intitulé "Un paso al Frente" (Un pas en avant), dans lequel il a dénoncé des «irrégularités», voire des "cas de dépravation", au sein de l’armée espagnole. Dans ce livre, Luis Gonzalo Seguro, puisque c’est de lui qu’il s’agit, distille des révélations au parfum de scandale impliquant des hauts gradés qui bénéficieraient, selon lui, de tous les privilèges. Suite à la sortie de cet ouvrage compromettant, la réaction du ministère espagnol de la Défense ne s’est pas faite attendre : "l’officier a commis une infraction aux règlements et aux codes militaires sans rapporter au préalable les faits évoqués dans le livre aux services compétents du fait qu’il s’agit de données relevant du secret professionnel". Des faits somme toute gravissimes et, d’un point de vue militaire, sévèrement répréhensibles. L’officier, par qui le scandale est arrivé, sera au moins destitué de son grade et radié à vie de l’armée, comme le stipulent les juridictions militaires en vigueur dans le monde entier. On ne joue pas impunément avec la Grande Muette, encore moins avec le secret militaire.
Mustapha Adib, un précédent marocain
L’affaire du lieutenant espagnol, Luis Gonzalo Seguro, rappelle curieusement celle de l’ex-capitaine des Forces Royales Air (FRA), Mustapha Adib. En 1998, il a écopé de dix-huit mois de prison pour "violation du secret professionnel" et "outrage à l’armée". L’affaire aurait pu s’arrêter simplement là. Mais voilà : dépité, l’ex-officier, alors âgé de 30 ans, a commis une sortie tonitruante sur les colonnes du quotidien Le Monde, où il avait dénoncé, en infraction de tous les codes militaires, sa hiérarchie militaire voire tout le corps de l’armée, accusé de tous les maux inimaginables. Le petit officier, visiblement manipulé, ne croyait peut-être pas servir la soupe à une publication étrangère qui ne ratait aucune occasion pour écorner l’image du royaume, à plus forte raison un secteur ultrasensible comme celui de l’armée. Mais ce n’est pas ainsi qu’il l’a entendu. Il en a fait toute une histoire en criant, sur tous les toits, y compris et surtout ailleurs, à «l’injustice», allant jusqu’à saisir les juridictions européennes dans une vaine tentative de discréditer son pays et ses institutions. 14 ans après sa mémorable radiation par les FAR, ne voilà-t-il pas que le ministère espagnol de la Défense leur emboîte le pas et procède de la même manière envers le lieutenant Gonzalo Seguro. Avis aux chevaliers preux des Droits de l’Homme, qui avaient remué ciel et terre autour de "l’affaire Adib" : allez-vous faire de même pour le lieutenant espagnol? "Le temps est un galant homme", disait Pierre-Augustin Beaumarchais.