Mardi 27 juin, deuxième jour de l'Aïd al-Fitr. Anas Sabi, 30 ans, se pointe aux premières heures au siège de l'Institut national italien de la prévoyance sociale (INPS), à Turin. Désœuvré, il n'a ce jour-là qu'une idée en tête: trouver un emploi et sauver sa famille de cinq personnes de la pauvreté qui les ronge. Fidèle habitué de l'INPS, il s'y rend sans découragement depuis belle lurette pour trouver le sésame qui va peut-être transformer sa vie. Mais ce jour-là, il est confronté à une autre fatalité. Une ravissante Italienne, prénommée Concetta, 46 ans, qui par désespoir, s'est aspergée d'alcool et souhaite se suicider. Lasse de ses allers-retours au siège de l'INPS pour décrocher un job sans y parvenir, elle a décidé de mettre un terme à sa vie de la manière la plus terrible qui soit.
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Découragée d'attendre au milieu des demandeurs d'emploi, elle s'est aspergé le corps d'alcool, a allumé un briquet et a tenté de s'immoler par le feu. Un acte d'une cruauté sans faille face auquel ses congénères chômeurs et le personnel de l'INPS n'ont vu d'autre recours que la fuite hors de l'établissement. En un éclair de temps, tout le monde a déserté le siège sauf un jeune à la silhouette fluette. Anas Sabi n'était visiblement pas homme à reculer devant le danger. Il a pris son courage à deux mains et s'est dirigé vers un extincteur de l'INPS. Il est revenu sur ses pas vers la femme qui se consumait à petit feu sous les yeux des caméras de surveillance. "Je l'ai vue prendre feu, je remercie Dieu de m'avoir donné la force de me battre et m'avoir aidé à rester calme et lucide pour sauver la femme qui était devant moi dans la file d'attente", raconte Anas au journal Torino Oggi (Aujourd'hui Torino).
"Mardi était un mauvais jour. Je suis toujours excité. J'étais là-bas, dans une file d'attente. La femme était désespérée, elle a pris un briquet et a tenté un autodafé. Donc, j'ai couru vers un extincteur et j'y suis retourné", relate-t-il encore à la Stampa. "Avant d'être emmenée à l'hôpital", poursuit-il ému, "elle a été en mesure de me donner le numéro de téléphone de son frère, pour que je puisse l'aviser de ce qu'il s'est passé. Ce dont je suis fier". Concetta a été admise à l'hôpital, mais son état est jugé critique. "Maintenant, je prie pour elle, parce que tout peut être résolu pour le mieux", confie-t-il toujours à la Stampa, qui insiste sur ses origines musulmanes.
La chaîne européenne d'information en continu, Euronews, s'est aussi intéressée à l'héroïsme du jeune immigré marocain originaire de Casablanca en relayant ses propos. "Quand on perd son emploi, on arrive à prendre des mesures désespérées, je comprends", s'est-il ému sur l'antenne de cette chaîne satellitaire qui commente: "En Italie, depuis longtemps, le Marocain était aussi au chômage". "A part des bricoles que j'arrive à décrocher en tant qu'électricien de temps à autre, je n'ai pas de ressources pour nourrir ma famille (...) Nous sommes cinq. Comment faire sans argent?», s'interroge-t-il sans pour autant perdre espoir.
Aux dernières nouvelles, on apprend que notre jeune héros marocain a été reçu au siège de l'Institut national italien de la prévoyance sociale pour le remercier pour le courage et l'abnégation dont il a fait preuve et, peut-être, lui faciliter la tâche pour accéder à un emploi et pouvoir, enfin, réaliser ce rêve qui berce toute personne à la fleur de l'âge: se marier et construire une famille. Un vœu légitime et simple que l'Italie peut exaucer en faveur d'Anas, qui a exposé sa vie au danger pour en sauver une autre.