Santé. Entre bienfaits et dangers pour la santé, ce qu’il faut savoir sur les compléments alimentaires

Très prisés, les compléments alimentaires sont commercialisés sous forme de comprimés, de sachets de poudre ou encore d’ampoules. (Photo d’illustration)

Les compléments alimentaires se vendent comme des petits pains au Maroc. Chaque année, le ministère de la Santé autorise la commercialisation de plus de 1.000 produits de ce type. D’où proviennent-t-ils? Qu’est-ce qui distingue un complément alimentaire d’un médicament? Qu’en dit la réglementation marocaine? Éléments de réponse avec le ministère de tutelle et des professionnels.

Le 03/08/2023 à 08h20

Commercialisés sous forme de pastilles, de comprimés, de poudres ensachées ou d’ampoules, les compléments alimentaires inondent le marché marocain. Rien de bien étonnant: depuis quelques années, le marché mondial des compléments alimentaires a littéralement explosé, se chiffrant à plus de 140 milliards de dollars en 2020, d’après une estimation du ministère de l’Industrie et du Commerce.

Ces produits sont vendus un peu partout, si bien qu’on les retrouve dans les pharmacies et les parapharmacies, mais aussi dans de banales échoppes, voire sur des sites de e-commerce. Le marché est si florissant que, chaque année, le ministère de la Santé enregistre chaque année plus d’un millier de produits de ce type.

Récemment, plus de 220 nouveaux compléments alimentaires ont bénéficié d’un avis favorable du Comité national consultatif et technique du ministère de la Santé. Ce dernier distingue ces produits des médicaments comme suit : «Le médicament est toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies. Alors qu’un complément alimentaire est conçu pour compléter un régime alimentaire normal, maintenir un apport adéquat en nutriments ou soutenir des fonctions physiologiques spécifiques», nous explique-t-on.

Complément alimentaire et médicament: quelles différences?

Mais, le ministère précise cependant qu’un léger flou persiste: les compléments alimentaires et les médicaments peuvent parfois contenir les mêmes substances. C’est le cas des vitamines, des minéraux, des acides aminés ou encore des compléments extraits de plantes. Néanmoins, la tutelle fait savoir que les médicaments contiennent des dosages plus élevés et, par conséquent, se présentent comme étant les seuls à pouvoir prétendre à un effet thérapeutique.

Pour mieux dissiper toute confusion, nous avons requis l’avis de Abdelmajid Belaïche, analyste des marchés pharmaceutiques. «La vitamine C, en tant que médicament, est commercialisée sous forme de comprimés d’un gramme (1000 mg) par comprimé. Mais comme complément alimentaire, ces comprimés ne dépassent pas une dose de 70 mg», explique-t-il.

La différence se situerait donc au niveau des doses, mais pas seulement. Un médicament voit son prix public de vente (PPV) fixé par le ministère de la Santé, tandis qu’un complément alimentaire n’a qu’un prix public conseillé (PPC), qui n’est pas fixé par une quelconque autorité, mais seulement par la loi de l’offre et de la demande, ajoute notre interlocuteur.

«Généralement, un complément alimentaire coûte beaucoup plus cher qu’un médicament ayant la même composition. À titre exemple, la boîte de 10 comprimés de vitamine C coûte une quinzaine de dirhams, alors que le prix d’un complément alimentaire dosé à 70 mg seulement avoisinera les 200 dirhams», poursuit Abdelmajid Belaïche.

Une procédure de contrôle rigoureuse

Selon le ministère de la Santé, un large éventail de nutriments et d’ingrédients peuvent être présents dans les compléments alimentaires, notamment des vitamines, des minéraux, des acides aminés, des acides gras essentiels, des fibres et diverses plantes ou extraits de plantes.

Constat: ces compléments alimentaires sont dans leur écrasante majorité importés. «À l’instar de plusieurs pays, le Maroc recourt à l’importation, essentiellement depuis la France, les États-Unis et l’Allemagne. Pour autant, le marché connaît ces dernières années une transformation importante, en faveur de la fabrication locale», précise le ministère de la Santé.

Ils ont beau se distinguer des médicaments, les compléments alimentaires sont également soumis à un contrôle strict de la part du ministère de la Santé. «Conformément aux dispositions légales, tout fabricant ou importateur d’un complément alimentaire est assujetti à une procédure d’enregistrement auprès de la Direction des médicaments et de la pharmacie. Celle-ci, en s’appuyant sur les travaux du comité national consultatif et technique et en partenariat avec d’autres départements ministériels, procède à une évaluation complète permettant d’assurer la sécurité sanitaire des consommateurs», explique-t-on.

Qu’en est-il de la réglementation?

Selon la tutelle, toute denrée alimentaire destinée aux consommateurs doit répondre aux obligations de sécurité et d’information édictées par la réglementation en vigueur. Les produits mis sur le marché doivent être sans danger et porter un étiquetage approprié afin de garantir la protection des consommateurs.

Mais là s’arrête la réglementation entourant le commerce des compléments alimentaires. Et cet état des lieux n’est pas sans risque, à en croire Amine Bouzoubaâ, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc.

«Il y a un réel vide juridique par rapport à la commercialisation et la distribution des compléments alimentaires. Le circuit de vente est presque informel, puisque ces produits peuvent être vendus pratiquement partout, et même sur Internet. En plus, sans réel suivi ou conseil par un médecin ou un pharmacien, la consommation de compléments alimentaires peut avoir de graves conséquences, notamment dans le cas de surdosage, d’intolérance ou d’incompatibilité avec d’autres produits ou médicaments. Il s’agit là d’un vrai problème de santé publique», explique-t-il.

Généralement, les compléments alimentaires sont sans danger pour la santé tant qu’ils sont enregistrés et utilisés conformément aux instructions approuvées dans le certificat d’enregistrement, comme le précise le ministère de la Santé. Mais mal utilisés, ces compléments peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs et entraîner des effets toxiques en raison de surdosage ou de surconsommation, avertit le ministère de tutelle.

Ce dernier signale également que l’utilisation continue de certains compléments alimentaires peut entraîner des dommages physiques. C’est le cas de la supplémentation en vitamine B6, qui peut endommager le système nerveux et réduire l’efficacité des médicaments antispasmodique dans certains cas, ou de la vitamine K, qui réduit l’efficacité des anticoagulants. Les suppléments de fer et de calcium peuvent aussi diminuer l’efficacité des antibiotiques.

Vers une loi spécifique et plus sévère?

Les pharmaciens appellent à aller plus loin que les simples préconisations. Ils ont ainsi présenté une proposition de loi relative aux compléments alimentaires au ministère de la Santé, en vue de mettre en place un circuit contrôlé de commercialisation et une législation claire et contraignante, comme c’est le cas pour celle régissant la distribution de médicaments.

«Nous travaillons avec la Direction des médicaments et de la pharmacie sur plusieurs chantiers de réforme, notamment ce projet de loi relatif aux compléments alimentaires. Sur ce point, nous demandons une réglementation de la production, de l’importation et de la commercialisation des compléments alimentaires. Nous préconisons également que la vente en soit autorisée uniquement dans les officines», indique le secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc.


Par Ihssane El Zaar
Le 03/08/2023 à 08h20