Oulmès: des soupçons de détournement de fonds éclaboussent la commune et son président, Mohamed Achrourou

La Commission nationale des marchés publics, relevant du Secrétariat général du gouvernement, a confirmé que le marché de construction de la nouvelle gare routière de la commune d’Oulmès, dans la province de Khémisset, présente des irrégularités avérées.

Revue de presseLa construction de la future gare routière d’Oulmès, dans la province de Khémisset, est au cœur d’une tempête judiciaire. Après la mise en évidence d’irrégularités par la commission nationale des marchés publics, une plainte déposée auprès du parquet général de Rabat vise le président de la commune, Mohamed Achrourou, soupçonné de manipulations, favoritisme et dilapidation de fonds publics. Une enquête de la police judiciaire est désormais ouverte. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 30/11/2025 à 18h07

La commission nationale des marchés publics, relevant du Secrétariat général du gouvernement et présidée par le député du Parti authenticité et modernité, Mohamed Achrourou, a confirmé l’existence d’irrégularités dans le marché de construction de la nouvelle gare routière de la commune d’Oulmès, dans la province de Khémisset. À la suite de ces constats, le propriétaire d’une entreprise ayant participé à l’appel d’offres a déposé une plainte auprès du procureur général près la Cour d’appel de Rabat, pour suspicion de détournement et de dilapidation de fonds publics, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce lundi 1er décembre. Le parquet a transmis cette plainte, vendredi dernier, à la brigade régionale de la police judiciaire de Rabat afin d’enquêter sur les faits dénoncés.

Selon les éléments de la plainte, des anomalies substantielles auraient entaché l’appel d’offres n°01/2023 lancé le 31 mars 2023. Ce dossier vient s’ajouter à d’autres affaires dont la justice a été saisie concernant des marchés publics de cette même commune. La brigade nationale de la gendarmerie royale avait déjà mené des investigations, sur instruction du parquet financier, au sujet de dysfonctionnements relevés dans plusieurs projets programmés à Oulmès. Cette commune rurale est pourtant l’une des plus riches du Maroc, résultat des taxes sur l’exploitation des sources d’eau minérale.

La plainte souligne notamment que le président de la commune aurait exigé des entreprises concurrentes la présentation d’un certificat de qualification et de classification relatif aux travaux de construction utilisant le plâtre, alors que cette mention ne figurait ni dans le dossier d’appel d’offres ni dans le bordereau des prix, écrit Al Akhbar. Pour l’entreprise plaignante, il ne s’agissait pas d’un simple oubli mais d’une condition ajoutée sur mesure pour favoriser une société bien identifiée. Cette dernière disposerait précisément du certificat demandé pour les travaux en plâtre, mais pas de celui relatif aux travaux d’électricité, pourtant essentiels dans le projet. Le tout aurait eu pour effet d’écarter les autres entreprises concurrentes et de porter atteinte au principe d’égalité devant la commande publique.

La plainte évoque également un fait considéré comme encore plus grave, soit le changement unilatéral, et en violation du règlement des marchés publics, du terrain initialement prévu pour la construction de la gare routière. Ce terrain, mentionné dans le cahier des charges, comportait des bâtiments à démolir avant le lancement des travaux. Ces démolitions figuraient expressément au chapitre 102 du cahier des prescriptions, avec des prix spécifiés pour chacune des opérations. Pourtant, le président de la commune aurait décidé de déplacer le projet vers une autre parcelle, totalement vierge, sans aucune construction à démolir. Or, l’appel d’offres incluait des montants destinés aux travaux de démolition. Le changement de site aurait dû entraîner la publication d’un nouvel appel d’offres, car la nature même des travaux se trouvait modifiée, a-t-on pu lire dans Al Akhbar.

Ces irrégularités ont provoqué un retard d’environ une année dans la réalisation du projet. Au lieu d’annuler le marché en raison de ces manquements, le président du conseil communal aurait poursuivi le processus en déplaçant simplement l’emplacement de la gare, sans commander de nouvelle étude et en ignorant les obligations du cahier des charges. Résultat: des fonds publics auraient été versés pour des travaux de démolition fictifs, le nouveau terrain ne contenant aucune construction. Un huissier de justice mandaté par l’entreprise plaignante a dressé un procès-verbal établissant l’absence totale des bâtiments censés être démolis, précise le quotidien.

Dans un avis rendu le 4 janvier 2024, la commission nationale des marchés publics a confirmé qu’il n’était pas légalement fondé d’exiger des candidats un certificat de qualification pour des travaux en plâtre, dès lors que ceux-ci n’existent ni dans le dossier d’appel d’offres ni dans le bordereau des prix. La commission a également relevé que la commune n’a jamais fourni de réponse claire à l’entreprise plaignante au sujet de la sélectivité des certificats demandés, et a rappelé que les qualifications exigées doivent impérativement être en lien direct avec la nature et l’importance réelle des travaux.

Les conclusions de la commission démontrent qu’en tant que maître d’ouvrage, la commune n’avait pas le droit d’exiger des candidats la reproduction des mêmes documents déjà fournis dans l’offre technique, et encore moins d’imposer des certifications qui ne correspondaient pas aux besoins du projet.

Toutes ces données laissent apparaître, selon Al Akhbar, l’existence de conditions taillées sur mesure pour une entreprise spécifique. À l’ouverture des plis, une seule société a présenté une offre, d’un montant de 17,74 millions de dirhams, soit un dépassement de 118,49% par rapport au coût prévisionnel du projet. Cette entreprise ne dispose pas du certificat requis pour les travaux d’électricité, mais possède celui relatif aux travaux en plâtre, pourtant inexistants dans le projet. La commission nationale a d’ailleurs confirmé que le cahier des charges ne prévoit aucun poste concernant des travaux en plâtre ni aucun prix y afférant. Pour les plaignants, ces éléments montrent clairement que le marché aurait été conçu dès le départ pour être attribué à cette entreprise, au point d’y intégrer des sommes correspondant à des travaux fictifs et d’orienter l’ensemble du processus en sa faveur.

Par La Rédaction
Le 30/11/2025 à 18h07