Il condamne leurs pratiques et, pourtant, il a décidé de leur apporter, malgré tout, l’aide psychologique qu'ils lui ont réclamée. Lui, c’est Nader Alemi, un psychiatre afghan renommé. Eux sont des talibans venus lui demander de leur tendre la main. Et, bien qu’exécrant l’idéologie que ces hommes ont servie, Nader Alemi a accepté de tes traiter, les combats qui ont permis aux talibans de prendre le pouvoir pour contrôler l’Afghanistan ayant, explique Tahir Qadiry pour la BBC, causé de graves séquelles psychologiques à certains combattants de l’organisation islamiste. Aussi, malgré ses hésitations et appréhensions, le psychiatre afghan, interpellé par ces hommes qui se débattaient manifestement, laissera-t-il entendre, dans une tourmente psychologique, finira par s’avouer qu’il y avait là un vrai problème et concèdera à répondre à leur requête. Une requête d’autant plus insistante que Nader Alemi est le seul psychiatre du nord du pays à parler le Pashto, langue de la plupart des talibans. «La langue est très importante et, comme je parle la leur, ils se sentent plus en confiance pour se confier à moi», déclarera à ce propos le psychiatre, cité par la BBC.
Parmi les patients de Naser Alemi, le mollah Akhtar Osmani, qui fera appel au psychiatre avant d’être tué, en 2006, lors d’un raid aérien. Gouverneur d’une province et second du Mollah Omar, chef spirituel, s’il en est, du groupe islamiste, Akhtar Osmani, rapportera Alemi, entendait des voix, délirait dans son sommeil, perdait la mémoire. «Seul Dieu sait combien de temps cet homme a passé sur les lignes de front, et seul Dieu sait de combien de morts il est responsable. Et, même confortablement installé dans son bureau, toutes ces explosions et ces cris continuaient de résonner dans sa tête», dira le psychiatre.
Une séance chez le psy entre deux combatsLa question se pose du sens de ces séances et traitements psychiatriques, quand on sait que les patients de Nader Alemi retournent régulièrement au combat, entre deux passages chez le praticien. Démarche purement égoïste pour apaiser leurs consciences et trouver le courage de retourner à leurs carnages? Démarche désespérée de combattants n’osant déserter par peur des représailles? Tout comme ceux de l’organisation Daech, les chefs talibans n’admettent pas les défections. Aussi, les combattants repentis continuent d’obéir et de participer malgré eux aux raids meurtriers qu’on leur ordonne de mener. «Je ne sais combien d’entre eux sont venus vers moi, mais ils sont des milliers. Je les ai suivis pendant environ 3 ans, jusqu’à l’enlèvement de Mazar en novembre 2001. Pour être honnête, ils étaient si investis dans leur mission qu’ils n’avaient pas le temps de suivre leur traitement». Alors, à quoi bon? D'autant que l'initiative de ces talibans de consulter un psychiatre n'était en rien motivée par une prise de conscience et un désir d'arrêter les massacres.Quel soutien psychologique, par ailleurs, est accordé aux Afghans dont, en 2010 et d'après le ministère de la santé, les deux-tiers souffraient de troubles psychiques? Des troubles causés par le cinglant climat de violence, la misère, le chômage, la drogue... Quelle aide psychologique aux vivils dans un pays où, selon l'OMS, seul 1% des infrastructures médicales étaient, en 2006, dédié aux troubles mentaux?