Après avoir travaillé pour de grands noms du monde de la beauté pendant de longues années, l’ancienne marketeuse Myriam Bessa a décidé de se frayer son propre chemin dans l’entrepreneuriat. En créant en 2016 l’Atelier Digital, son but n’était pas de rejoindre un marché pour reproduire des modèles déjà existants, mais d’innover et d’apporter son expertise à un domaine en constante évolution. C’est ainsi qu’elle a récemment lancé trois influenceurs virtuels: Kenza, Zina et Mehdi Layli.
Le360: Qu’est-ce qui a inspiré votre projet?
Myriam Bessa: Le projet a été amorcé après la découverte d’une initiative similaire aux États-Unis, le compte de Lil Miquela, vers 2019-2020, et l’inspiration est venue de son impact auprès des marques et de la technologie utilisée. Mais cette dernière était alors trop coûteuse et complexe à reproduire puisqu’il s’agit d’un mélange de 3D, d’intelligence artificielle et de CGI (computer-generated imagery). Alors nous avons attendu que les avancées dans l’intelligence artificielle (IA) rendent la création plus accessible, ce qui a finalement permis le lancement de Kenza en décembre 2023, suivie de Zina en janvier 2024 puis Mehdi en février.
Quelle est la valeur ajoutée de vos influenceurs virtuels comparé aux influenceurs humains?
Nos influenceurs virtuels se démarquent par leur capacité à répondre instantanément dans un laps de temps inférieur à 60 secondes, et dans plusieurs langues, à tout commentaire ou question, grâce à une IA poussée. Ils offrent ainsi une réactivité et une polyvalence inédites, dépassant largement celles des influenceurs humains.
Un évènement a précipité la révélation de Kenza Layli en tant qu’influenceuse virtuelle. Qu’était-ce?
Pendant les trois premières semaines où nous étions en test et qu’on ne voulait pas encore divulguer son identité en tant qu’IA, nous avons dû le faire par la force des choses. En effet, un homme de nationalité indienne est tombé amoureux de Kenza, et donc on a dû très vite lui révéler qu’elle était une IA, puis le mentionner, que ce soit sur sa bio ou au niveau de l’ensemble des publications des trois personnages aujourd’hui. C’est à nous de mettre en place des limites de l’IA d’un point de vue éthique, car techniquement on peut aller où on veut.
Quelle a été la motivation derrière le choix d’une influenceuse voilée?
Le choix d’une influenceuse voilée repose sur deux raisons principales. C’est, d’une part, une expression de liberté pour les femmes musulmanes, que je me devais de mettre en avant en tant que féministe, et d’autre part, un point plus stratégique, car le voile symbolise une unité culturelle entre le Maroc et d’autres pays arabes.
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Les tenues portées par vos influenceurs sont-elles réelles ou générées par l’IA?
Toutes les tenues portées par nos influenceurs sur les images sont 100% générées par l’IA, c’est-à-dire que les vêtements que vous voyez n’existent pas. Par contre, sur les vidéos, nous utilisons la technologie du face swapping, c’est de l’hybride entre l’IA et le «vrai monde». À ce moment, les vêtements sont évidemment disponibles dans les points de vente.
Recevez-vous déjà des demandes de collaboration?
Nous recevons effectivement des propositions de collaboration de divers pays (Maroc, Qatar, Arabie saoudite, Turquie, etc.), mais nous préférons d’abord nous concentrer sur le développement et le positionnement de nos influenceurs avant d’accepter des partenariats, afin qu’ils puissent bien servir les marques avec lesquelles ils vont collaborer.
Comment gérez-vous l’interaction entre l’IA et le contenu généré?
Évidemment, nous regardons derrière, car il arrive que des internautes abordent des sujets très confidentiels. Donc nous avons une équipe en charge de modérer les interactions entre l’IA et le public, afin de prévenir tout commentaire ou action inapproprié.
Quel est le processus de création de contenu pour vos influenceurs virtuels?
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui même, nos réflexions sont aidées par l’IA, c’est-à-dire que le programme de la semaine de Kenza, principalement ses activités, ses discours, ses interventions, sont aussi poussées par l’IA avec évidemment de l’expertise humaine. Vu que l’on s’y connaît dans ce domaine et que l’influence est notre expertise, nous rebondissons sur des sujets d’actualité, comme la vidéo qu’ils viennent de faire tous les trois sur la réforme du Code de la famille, pour essayer d’enrichir l’expérience de leur audience, en quelque sorte.
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Quel était l’objectif initial derrière la création de la famille Layli?
L’objectif principal derrière la création de la famille Layli est de permettre à chaque membre de transmettre des messages et des conseils dans son domaine respectif, en s’adressant à sa communauté de manière personnalisée. D’ailleurs, Zina, qui est étudiante en quatrième année, prendra bientôt la parole concernant la grève des étudiants en médecine, qu’elle suit de près.
Est-ce que les membres de votre famille virtuelle vont vieillir et évoluer au fil du temps?
Aujourd’hui, ils ont respectivement 33 ans pour Kenza, 28 ans pour Mehdi et 22 ans pour Zina. Ils vont évoluer dans la vie. Bien sûr, il va y avoir des mariages, des diplômes, etc. Alors, est-ce qu’on va arriver à les faire évoluer physiquement? Par exemple, pour qu’ils puissent avoir des enfants et autres, il faut que, physiquement, on voie un petit ventre. C’est tout un challenge et j’espère qu’on y arrivera avec les outils d’IA.
Pouvons-nous nous attendre à de nouveaux membres de la famille Layli?
Alors, moi je me plais à faire une comparaison, c’est que les Layli sont les Kardashian de l’IA. Donc oui, d’autres membres viendront bientôt agrandir la famille.