Une lueur d’espoir pour représenter, enfin, les hommes dans la lutte sournoise du genre que lui mènent les femmes. Elle s’appelle l’Association marocaine de défense des droits du père et des enfants (AMDDPE). C’est la première association qui entend défendre les droits matrimoniaux et familiaux des hommes, comme le font les femmes dans environ 2.000 associations, fondations et coopératives féministes présentes en masse dans le Royaume.
L’évènement est suffisamment rare pour l’applaudir. Dans de précédentes chroniques, j’ai parfois regretté l’inexistence d’association dédiée à la protection des droits des pères et des maris. Voilà qui est comblé aujourd’hui.
C’est une bonne nouvelle, car le déséquilibre des discours des femmes et des hommes pourra esquisser un début d’harmonisation. Encore faut-il que l’AMDDPE réussisse son entrée en piste, ou plutôt dans l’agora des débats nationaux. Elle devra se faire entendre dans la cacophonie des féministes. Une petite voix masculine, à peine née, au milieu de plusieurs centaines d’associations.
Reçue cette semaine par l’Instance chargée de la révision du Code de la famille, l’AMDDPE a proposé plusieurs modifications aux lois régissant la famille, dont j’ai pu glaner quelques indiscrétions de la part d’amis journalistes.
Les bons points, c’est d’abord que cette association a proposé l’adoption de la garde partagée des enfants, en cas de divorce, et c’est une première! Pas une seule association féministe ne l’a réclamée en trente ou quarante ans de militantisme au Maroc. La procédure du divorce attribue naturellement la responsabilité de la garde aux mères, laissant 24 heures par semaine aux pères pour voir leurs enfants et tisser un lien de paternité. Or, si les pères marocains divorcés souffrent de cette discrimination, il en va de même pour les enfants séparés brutalement de l’un de leurs parents. Aucun argument de sociologue ou de psychologue ne viendra plaider en faveur de la captation totale, de l’enfant, par sa mère.
Ensuite, cette nouvelle association demande à permettre aux maris, comme c’est déjà le cas pour les épouses, d’accéder aux données confidentielles de l’ex-conjoint(e). Il s’agit notamment des documents sur la situation bancaire, les biens et les avoirs du couple. Jusqu’à présent, seul l’homme, après un divorce, était sommé par le juge de fournir ces pièces pour estimer ses finances. Le juge peut même ordonner à la banque de réaliser une ponction mensuelle dans les revenus du mari pour exécuter une décision du tribunal. La réciproque n’était pas envisageable. D’ailleurs, aucun article du Code de la famille n’associe la femme à des devoirs financiers et d’entretien de la famille. Elle est «économiquement» invisible sous l’œil du législateur, effacée dans la loi étrange. Tout est à la charge de l’homme, des fiançailles à l’entretien de la famille, durant le mariage et après le divorce. Pourtant beaucoup de femmes gagnent bien leur vie, ou sont fortunées de naissance. L’AMDDPE propose l’institution d’une pension alimentaire commune entre les deux conjoints et des conditions de pension équivalentes entre garçon et fille conforment à l’article 16 de la convention de la CEDAW. Lequel article stipule que les hommes et les femmes ont les mêmes droits et les mêmes responsabilités au moment de l’établissement de l’acte de mariage et lors de son annulation.
Il s’agit également d’élargir le rayon d’action des cellules de lutte antiviolence pour inclure, selon l’AMDDPE, «les hommes et les enfants victimes de mères agressives». En effet le Maroc a créé en 2019 des cellules pour la prise en charge des femmes victimes de violences, au sein des tribunaux de première instance et des cours d’appel ainsi qu’au niveau des départements chargés de la justice, de la santé, de la jeunesse et de la femme, de même que de la Direction générale de la sûreté nationale et du Haut commandement de la gendarmerie royale.
Parmi les points noirs, de cette nouvelle association, figure la proposition d’arrestation des femmes refusant le droit de visite aux pères... Si le phénomène existe amplement, les enfants devenant un moyen de chantage entre les mains des ex-épouses, il ne s’agit pas de le résoudre par la criminalisation de l’infraction. Les hommes –le plus souvent désargentés– ont suffisamment souffert de la loi Bouzoubaâ qui peut mener en prison un mari n’assumant plus l’entretien de son épouse. Un intermédiaire social, nommé par le tribunal pour suivre le bon respect des décisions sur la garde des enfants, aura plus de chance d’aboutir.
L’AMDDPE veut aussi criminaliser toute incitation ou agression à l’encontre des enfants. Il s’agit ici des parents qui frappent leurs enfants, les traitent indignement ou s’en prennent à eux verbalement. Certes, il faut faire cesser ces pratiques d’un autre siècle, mais privilégions la sensibilisation et la prise de conscience par les parents de leurs actes. Ce phénomène s’observait aussi dans les écoles il y a encore peu d’années. Le maitre ou la maitresse punissaient les élèves avec une règle stridente, ou tout autre objet comme la zarwata (gourdin), le câble électrique souple tel un fouet, le mythique tube de conduite de couleur orange que les anciens connaissent bien.
Enfin, l’association aborde aussi les questions d’affiliation et d’héritage et celle de la pénalisation de l’incitation contre l’un des ascendants. Elle défend une tutelle commune comprenant des conditions pour éviter l’enlèvement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Du coup, tout voyage de l’enfant nécessite l’accord du deuxième conjoint conformément à la convention de La Haye relative à l’enlèvement international des enfants.
Comparons avec les centaines d’associations de défense des droits des femmes. Elles revendiquent aujourd’hui la tutelle exclusive, pour la prendre aux pères qui sont les tuteurs naturels des enfants dans le Code de la famille. Elles n’ont jamais abordé le partage de la pension alimentaire et surtout se sont désintéressées des lois rétrogrades de l’entretien de la femme par l’homme, participant inconsciemment au maintien de la vente du corps pour plusieurs générations de filles biberonnées à l’attente de l’entretien par le fiancé le plus offrant, faisant du corps féminin une opération d’achat et de vente.
En outre, ces associations féministes n’ont jamais supposé qu’une violence féminine puisse exister. Toutes les sommes d’argent colossales provenant des institutions européennes, américaines ou autres pour mener une stratégie du genre au Maroc ont été englouties dans un militantisme aveuglé et égoïste qui a installé les femmes en victimes éternelles et saintes-nitouches, et les maris et pères en ennemis à abattre.
Côté ADN et reconnaissance du père, cette nouvelle association masculine rejoint le bataillon des rares féministes modernistes qui demandent l’utilisation systématique de l’analyse ADN lorsque les pères refusent de reconnaitre la grossesse d’un enfant. Le déni survient notamment lorsque le couple a des relations avant le mariage. Ce test ADN, s’il est instauré officiellement, jouera un rôle de dissuasion et poussera les hommes à reconnaitre leurs enfants.
Poussée dans ses fonctions égalitaires, en France par exemple, cette analyse ADN permet aussi aux pères de l’utiliser pour savoir, en cas de doute ou de revendication abusive, si l’enfant est bien le leur. Il n’existe pas de statistiques dans le Royaume, mais en France 10% des enfants sont les fruits de relations extra-conjugales des femmes, ignorés par les pères.
Cette association pionnière gagnerait à être reçue par ses paires de l’opposition avec honneur. Elle risque bien de jouer la trouble-fête et d’interpeller sur des sujets oubliés dans les placards du genre.
C’est tout le bien que je lui souhaite. Et «Bon vent!» en mer agitée.