Le360 - Que représente le budget de la recherche scientifique dans le budget global de l'UM5?Pr Mohammed Rhachi - Le financement de la recherche représente une problématique pour les universités marocaines en général et pour l’université Mohammed V de Rabat en particulier. Les besoins exprimés annuellement par nos chercheurs dépassent de loin le budget de l’Université et nous faisons preuve de beaucoup d’innovation pour faire disposer nos chercheurs de moyens matériels leur permettant de poursuivre la mission de recherche scientifique, mission fondamentale de l’Université.
Le budget mobilisé annuellement par l’Université Mohammed V pour la recherche scientifique représente environ 90 millions de dirhams (subvention de l’Université, bourses de recherche pour les doctorants, projets de recherche nationaux, projets de recherche internationaux). On peut considérer que l’Université consacre environ 20% de son budget, selon les années, pour le financement de la recherche. Nous considérons ce montant comme insuffisant, mais nos ressources financières sont dépendantes des subventions que nous recevons de la part de l’Etat et des financements que nous arrivons à capter grâce aux compétences de nos chercheurs. Néanmoins nous sommes confiants pour la mobilisation de financements complémentaires de la part des entreprises, des régions et de programmes internationaux.
Quels sont les principaux domaines de recherche?Les domaines de recherche de l’Université recouvre les sciences et techniques, l’ingénierie, les sciences de la santé, les sciences humaines et sociales. Cependant, en termes de publications indexées, nos chercheurs publient beaucoup plus dans les domaines des sciences et techniques, de l’ingénierie et des sciences de la santé ce qui assure une visibilité de l’université au niveau des classements internationaux des universités.
Notre recherche est orientée vers les problématiques concernant le développement économique et social du Maroc, en particulier les énergies renouvelables, le traitement des eaux, les problématiques d’assainissement, les véhicules électriques et autonomes, l’efficacité énergétique des bâtiments, la digitalisation de la société, les objets connectés, l’agriculture performante, les nouvelles approches d’apprentissage, les modèles de développement, le dialogue des cultures, le patrimoine historique et culturel, etc…
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La politique de recherche de l’Université vise à encourager les projets de recherche appliquée réalisés en partenariat avec des entreprises privées ou publiques et répondant à des problématiques nationales. Notre objectif est de contribuer à la création de valeur ajoutée et de richesse au Maroc.
Quelles sont les thématiques portant sur la médecine, les sciences de la santé et le biomédical? Dans le domaine des sciences de la santé, nous disposons de 4 formations doctorales en sciences des médicaments, en épidémiologie clinique et sciences médicochirurgicales, en biologie médicale, pathologie humaine et expérimentale et environnement et en sciences odontologiques. Les travaux de recherche en cours portent notamment sur la compréhension des pathologies et la proposition de nouvelles approches thérapeutiques, sur la génomique et sur les biotechnologies médicales, sur l’utilisation de plantes aromatiques et médicinales pour le traitement de maladies endémiques, sur le développement de dispositifs médicaux pour le diagnostic, la détection et le suivi de pathologies, l’amélioration de la qualité des soins et le développement de nouveaux médicaments. Le partenariat que nous venons de signer avec le centre hospitalier universitaire Ibn Sina nous permettra de mieux orienter nos problématiques de recherche pour améliorer la qualité des soins dans la région Rabat-Salé-Kénitra.
Y a-t-il des travaux de recherche qui sont suffisamment avancés et qui ont suscité l'intérêt des industriels marocains? Nous disposons de plus de 160 brevets délivrés et nous avons été classés en 2020 première université par nombre de brevets délivrés par l’OMPIC. Ces brevets se répartissent en ingénierie, en technologies de l’information, en sciences de la santé, en chimie et environnement et en physique et sciences des matériaux. Plusieurs de ces brevets font l’objet de discussion pour un partenariat avec des industriels marocains notamment dans le domaine des batteries, des matériaux innovants, des dispositifs de communication, des moteurs, des dispositifs de santé.
Nous encourageons également à travers le Centre Universitaire d’Entrepreneuriat et la Cité d’Innovation de Rabat, la création par nos chercheurs juniors et seniors de startups, de spin-offs issues des résultats de la recherche, mais également l’accueil de jeunes entreprises innovantes pour les accompagner dans leur processus de croissance ou d’amélioration de leurs produits et services. Nous participons également à des projets de recherche nationaux et internationaux à proposer des solutions innovantes pour des problématiques de recherche proposées par nos entreprises. Par exemple, lors du dernier appel à projet de recherche national Al Khawarizmi sur l’intelligence artificielle et ses application, 14 projets retenus sur 45 ont été attribués à des équipes de l’Université Mohammed V avec un partenariat industriel.
Où en est le partenariat avec le secteur industriel marocain et l'UM5 dans le domaine de la recherche et développement?Consciente de son rôle dans le développement économique du Maroc, l’Université Mohammed V s’est inscrite ces dernières années dans le développement de partenariats recherche et développement avec le secteur industriel marocain. Nous sommes convaincus de l’importance de la recherche pour améliorer la compétitivité des entreprises et pour permettre de favoriser les exportations marocaines notamment en produits à forte valeur ajoutée, de réduire notre déficit de la balance commerciale et de créer de la richesse. Les différentes politiques, de ces dernières années, ont encouragé l’émergence industrielle du Maroc en particulier dans l’automobile, l’aéronautique, les produits électriques et électroniques, l’outsourcing, l’agriculture, la logistique et les transports, l’agroalimentaire, le textile, etc. Notre rôle est de contribuer, à travers nos missions de formation et de recherche, à accompagner notre pays dans cette transformation industrielle en fournissant les compétences et l’expertise nécessaires.
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La récente pandémie du Covid-19 nous a permis de comprendre la dépendance de notre pays dans les produits et dispositifs médicaux et médicaments, mais également de découvrir notre potentiel de créativité et d’innovation puisque nous avons vu de nombreuses entreprises se lancer dans la fabrication de masques, de gel hydroalcoolique et de distributeurs de gel, de thermomètres électroniques, de respirateurs, de lits médicaux, etc. L’Université Mohammed V s’est également inscrite dans cette dynamique à travers ses structures de recherche et ses chercheurs et a contribué au développement de plusieurs dispositifs médicaux, mais aussi à accompagner les services de santé avec l’expertise nécessaire pour l’identification du virus et de ses variants, la proposition de choix thérapeutiques adaptés et le suivi des expérimentations sur les vaccins, des tests PCR et sérologiques.
En matière de recherche et développement, comment se classe l'UM5 sur le plan arabe, africain et mondial?Rappelons tout d’abord que L’Université Mohammed V représente près de 25% de la recherche nationale, notamment en termes de publications, de thèses de doctorat soutenues ou de projets de recherche en cours. Elle est la seule université marocaine à être présente dans tous les classements internationaux et à se classer première au niveau national pour les critères de recherche. Sur les 50 meilleurs chercheurs marocains 23 appartiennent à l’Université Mohammed V selon Google Scholar. En terme de qualité de publications indexées SCOPUS et Web of Science, l’Université se classe au 12e rang arabe et africain et au 800e rang mondial ce qui représente un excellent résultat au vu des moyens dont disposent certaines universités arabes et africaines avec des budgets recherche dépassant 10 milliards de dirhams par an. La qualité et l’efficacité de la recherche sont corrélées avec les moyens dont on dispose, mais aussi avec la facilité de gestion des fonds de recherche.
Nous pourrions améliorer nos résultats avec la mise en place de plusieurs réformes au niveau national. En effet les universités publiques marocaines souffrent depuis plusieurs années d’un sous-financement, mais également de procédures financières compliquées et fastidieuses qui les empêchent d’exprimer pleinement leur potentiel, en particulier pour la recherche et l’innovation. L’Etat se doit de mettre à notre disposition toutes les dispositions légales et règlementaires pour recruter les meilleurs talents dans le monde, engager les paiement des budgets de recherche dans des délais raccourcis, disposer rapidement de matériel scientifique et technique, encourager les chercheurs par des dispositifs fiscaux, mettre en place un statut de chercheurs, encourager les dispositifs de crédit impôt recherche, financer des bourses de recherche conséquentes déductible d’impôt, etc.
Y a-t-il des travaux de recherche entre les différentes universités marocaines? La majorité de nos travaux de recherche sont effectués en partenariat avec d’autres universités marocaines, car nous pensons qu’une coalition de compétences de différentes universités représentera une force et permettra à chaque université de se positionner dans des domaines où elle ne dispose pas forcément d’un nombre suffisant de chercheurs. Ainsi, notre partenariat national est davantage prolifique avec l’université Cadi Ayyad de Marrakech, l’Université Hassan II de Casablanca, l’Université Mohammed Premier d’Oujda, l’Université Sidi Mohammed Ben Abdallah de Fès et l’Université Ibn Tofail de Kénitra
Nous développons également notre partenariat avec des universités étrangères permettant ainsi à nos chercheurs de travailler dans des consortiums internationaux assurant ainsi une visibilité internationale à leurs travaux de recherche. Les dix premiers pays partenaires sont la France, l’Espagne, les Etats-Unis, le Canada, l’Italie, l’Allemagne, l’Arabie saoudite, le Royaume-Uni, la Belgique et la Turquie.