Pleine de bonne volonté, une citoyenne, Casablancaise, a voulu déclarer sa femme de ménage auprès de la CNSS, comme la loi le lui demande désormais. Cette femme, salariée et cadre, est déçue. «J’ai été sensiblement touchée par cette avancée sociale qui permettrait à cette catégorie de la société de mieux faire face aux aléas de la vie. Malheureusement, j’ai dû faire face à un grand nombre de contraintes et j’ai dû temporiser mon action», se désole-t-elle.
Pourtant, grâce à la loi 19-12 entrée en vigueur en 2018, encadrant le travail domestique, le travail des employés de maison est désormais, pour la première fois, encadré au Maroc.
Jours de congés définis, contrat de travail exigé, immatriculation à la Caisse nationale de sécurité sociale, obligatoire dès le 3 juin 2020… Le cadre légal est très clair. Pourtant, les procédures sont, pour l’heure, encore inadaptées pour les employeurs.
Ces contraintes sont majoritairement liées au flou autour du process que doit mettre en œuvre la CNSS.
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Voici, à titre d’exemple, les étapes qui ont été communiquées à cette Casablancaise par un agent de la CNSS, afin qu’elle puisse être en règle avec ce qu’exige la loi.
1. Déclarer 100% du salaire de l'employé au lieu de 60% mentionnés noir sur blanc dans l’exemplaire du contrat de travail domestique téléchargeable sur le site de la CNSS. Ainsi la cotisation passe de 400 à 700 DH pour un salaire de 2.568,24 DH égal au SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti). La solution préconisée par cet agent? «Déclarer moins de jours travaillés pour payer moins». (Sic.)
2. Créer un deuxième compte bancaire pour l’employeur est une obligation. Pour quelle raison? Étant elle-même déclarée à la CNSS en tant que salariée, cette Casablancaise ne peut bénéficier de deux statuts, celui d’employé et celui d’employeur, en utilisant un même compte bancaire.
3. En l’absence de la mise en place d’un programme informatisé pour ce nouveau projet fraîchement adopté, notre Casablancaise –pourtant par définition très pressée– devra se déplacer physiquement, chaque mois, pour déposer en mains propres sa cotisation auprès d’une agence de la CNSS.
4. En outre, selon notre source, la cotisation comprend une taxe pour la formation professionnelle, un point que cette cadre juge «inutile» pour cette catégorie socio-professionnelle.
Contactée par Le360 pour démêler le vrai du faux, une source au sein la CNSS assure, de son côté, que «la procédure correspond à la lettre à tout ce qui est promulgué concernant les travailleurs domestiques».
Voici, pour cette source, ce qu’il faut retenir:
- L’employeur doit déclarer au minimum 60% du revenu de son employé de maison.- Le salaire de l'employé doit être égal ou supérieur à 2.568,24 DH, soit le montant mensuel du salaire minimum au Maroc. Tout contrat présentant une rémunération inférieure sera rejeté par la CNSS.- La création d’un deuxième compte par un employeur déjà déclaré auprès de la CNSS en tant que salarié est obligatoire. Ce nouveau compte sera donc considéré par la sécurité sociale comme émanant d’une entité différente.- La digitalisation de ce projet ne sera effective qu’à partir de 2020. En attendant, les employeurs peuvent fournir leurs coordonnées bancaires (un RIB) avec une autorisation de prélèvement automatique à la CNSS, afin que celle-ci déduise le montant des cotisations mensuelles de l’employé à domicile. Ainsi, devoir se déplacer dans un bureau de la CNSS tous les mois ne sera plus nécessaire.- La taxe de formation professionnelle est également prise en charge dans les cotisations, explique en outre ce cadre de la CNSS, et répond au code du travail.
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Il est utile de rappeler que déclarer ses travailleurs domestiques auprès de la CNSS est, pour l’instant, une démarche volontaire de l’employeur.
Ce sera obligatoire à partir du 3 juin 2020.
«Il ne faut pas se décourager», lance cette source de la CNSS , rassurante, aux employeurs de travailleurs domestiques.
Ce cadre de la CNSS affirme en outre que «les agents [de la CNSS] peuvent parfois communiquer des informations erronées. Etant nouveau, ce projet n’est pas encore totalement maîtrisé par ces derniers, cependant, des formations leur seront de nouveau délivrées en cas de réclamations déposées par les employeurs».
Pour l’instant, le nombre des employés domestiques déclarés auprès de la CNSS est très faible. Seulement 700 contrats de travail domestique ont été soumis à l’inspection de travail pour l’heure, dont 600 sont passés par la sécurité sociale, depuis l'adoption de la loi 19-12, en octobre 2018… Voici donc plus d’un an.