L’accrochage par médias interposés entre Noureddine Ayouch et Abdelilah Benkirane semble avoir pris un nouveau tournant. Dans son édition de ce lundi 18 novembre, Akhbar Al Yaoum, titre en Une : "Benkirane répond à Ayouch : la langue arabe, c’est la religion". Depuis la tenue du Colloque international sur l’éducation nationale qui a donné lieu à un certain nombre de recommandations portant sur le secteur et qui ont été remises au Cabinet royal et au gouvernement, les deux hommes se mènent une rude bataille. La raison : "faire des langues maternelles, dès le préscolaire puis dans les premières années du primaire, la langue d’enseignement pour l’acquisition des connaissances fondamentales". Une recommandation qui a fait prendre la mouche à Benkirane et aux partisans de l’arabisation, pour qui cette proposition est une attaque directe contre la langue arabe.
Le chef de l’Exécutif a reçu samedi dernier une délégation représentant "le collectif national pour la protection de la langue arabe pour aborder le sujet", nous apprend Akhbar Al Yaoum. Accompagné de son ministre d’Etat, Abdellah Baha, Benkirane a clairement exprimé sa position à ce sujet en se présentant comme un "fervent défenseur de la langue arabe" qu’il associe directement à la religion. Lors de cette rencontre, le chef du gouvernement a déclaré que son équipe "ambitionne de mettre en place une politique linguistique inscrite dans le socle de la nouvelle Constitution qui consacre l’arabe et l’amazigh comme étant les deux langues officielles du pays", sans oublier les langues étrangères.
L’équation arabophone
Au-delà du débat qu’a soulevé cette recommandation, en particulier, entre Benkirane et Ayouch, on dirait bien que la question de la langue de l’enseignement a réveillé de vieilles inquiétudes chez ceux que le quotidien décrit comme "les défenseurs de l’arabe classique". Inquiet quant à l’avenir de la langue arabe, le collectif a appelé Benkirane "à honorer ses engagements déjà annoncés dans le cadre du plan gouvernemental de 2011", avance Al Massae. Le collectif a rappelé que le chef du gouvernement avait promis "la création d’une académie de la langue arabe et d’un Conseil national des langues et des cultures". Il était également question de la mise en place d’un texte de loi pour la protection et la préservation de la langue". Dressant un portrait peu réjouissant de l’état des lieux concernant la langue arabe au Maroc, tant sur le plan éducatif et pédagogique que d’un point de vue académique, le collectif estime qu’il est aujourd’hui plus que nécessaire que l’académie Mohammed VI des langues voie le jour.
Dans une interview fleuve accordée à Al Akhbar, Nourredine Ayouch revient sur ses relations avec le chef du gouvernement. Malgré leurs caractères différents, les deux hommes sont en contact, confie-t-il, avant d’ajouter qu’il a eu une discussion avec Benkirane "afin d’éclaircir certaines déclarations qui me sont attribuées ici et là et de lui expliquer mon point de vue concernant l’éducation nationale, la religion et la darija", a précisé Ayouch. Sur ce dernier point, le président de la Fondation Zakoura a fait remarquer que, lors de ses interventions à la télévision et lorsqu’il s’adresse aux citoyens, le chef du gouvernement parle darija. Tentant de mettre fin à cette polémique linguistique, Ayouch est d’avis que "l’on devrait organiser un colloque national ou international sur le sujet et auquel participeront syndicats, corps enseignants, représentants de la société civile, responsables…".
Pour Ayouch, "il faut engager un débat national concernant la langue qui donnerait lieu à des recommandations à soumettre à l’observation du souverain". Les recommandations du collectif de Ayouch relatives à l’éducation nationale a clairement soulevé un autre débat d’envergure, à savoir celui de la langue. Le rôle de l’arabe classique et de la darija dans notre quotidien est une question qui interpell un bon nombre de spécialistes. Et si Benkirane est un fervent défenseur de l’arabe, Ayouch, lui, l’est tout autant en ce qui concerne ce qu’il désigne comme la langue maternelle. Le débat est fort intéressant à condition de ne pas oublir l'essentiel, à savoir que la réforme de l'éducation nationale doit se faire au plus vite.