La décision de démolition de Ounk Jmel s’inscrit dans le cadre de la mise à niveau de la vallée du Bouregreg, un projet supervisé par l’Agence d’aménagement dédiée. Pas moins de 700 maisons, abritant environ 3.000 habitants, sont concernées. Les autorités avaient adressé des avis d’évacuation aux habitants, il y a cinq jours, mais l’annonce a suscité une vive colère.
Les résidents réclament des indemnités équitables ou des solutions de relogement adaptées, d’autant que certains avaient construit leurs maisons en toute légalité, avec permis et raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité. Pourtant, sur le terrain, l’incertitude et l’angoisse dominent.
C’est le cas pour Fatima qui se tient au milieu des décombres, du douar en face, encore fumants, le cœur serré. Ces maisons, déjà éventrées, préfigurent le sort de sa propre demeure. Sa belle-famille vit ici en location depuis quarante ans. «On nous a dit de partir, on nous a promis un relogement, mais en attendant, on cherche où aller», confie-t-elle, l’inquiétude se lisant sur son visage.
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Pour d’autres, c’est un pan entier de leur histoire familiale qui s’effondra. Un homme, les traits tirés par l’émotion, désigne du doigt sa maison. «Cette bâtisse appartenait à mon défunt père. C’est tout ce qu’il nous restait de lui.» Sa voix se brise, submergée par l’émotion. Il marque une pause, comme incapable de poursuivre. «Nous sommes quatre héritiers, deux filles et deux garçons. Cette maison, c’était notre refuge, notre cocon familial. On y a partagé tant de moments heureux… et bientôt, tout cela sera réduit en poussière», regrette-t-il.
«Les démolitions ont commencé, dans le douar en face, il y a huit jours déjà, précise Soumia, habitante du quartier, le regard sombre. Depuis, l’atmosphère est pesante». Mohammed, qui réside ici depuis 44 ans, partage sa frustration: «Les autorités font le tour pour recenser ceux qui seront relogés. Mais tout reste flou. Dans notre maison, par exemple, il y a mon frère et moi. On avait tout vendu, même nos terres, pour construire ce toit. On pensait enfin être stables, mais voilà que tout s’écroule. Ils nous ont demandé de partir, mais partir où? Après 44 ans ici, refaire notre vie ailleurs, c’est presque impossible.»