Quelle sont les évolutions et améliorations que vous avez constatées pour les droits des femmes depuis 2004?Depuis 2004 jusqu'en 2011, il y a eu de nombreuses réalisation en matière de droits des femmes. Ceci, aussi bien au niveau des lois que des politiques publiques. La première grande réalisation est la réforme du code de la famille de 2004. Ce texte reconnaît l’égalité en droits et en responsabilités entre les époux. Il fixe l’âge du mariage à 18 ans pour les deux sexes. Il y a également eu d’autres réformes. Je pense notamment au code pénal et au code de la nationalité. Ces réformes ont été consolidées par la Constitution de 2011. Celle-ci prône l’égalité entre les sexes ainsi que la primauté des engagements internationaux du Maroc. Ceci dit, et à aujourd'hui, le code de la Famille n’a toujours pas été harmonisé avec les dispositions de la nouvelle Constitution.
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Quels sont les articles de la Moudawana qui ne sont toujours pas respectés?En fait, après 15 années d’application du code de la Famille, de nombreux problèmes inhérents au texte ou à son application sont apparus. Ces jugements et arrêts prononcés au nom de ce Code nous amènent à la conclusion que l’interprétation et l’application du texte ne reflètent pas l’esprit et les objectifs de la Constitution. Encore moins les engagements du Maroc en matière de droits des femmes. D'où l’urgence de procéder à une révision globale du code de la Famille
Quels sont les articles du Code la famille qui posent aujourd'hui problème?Les principaux articles qui posent problèmes sont ceux relatifs au mariage des mineures, à la polygamie, à la tutelle légale, au divorce et au partage des biens.
L’article 20 en l'occurence donne le pouvoir discrétionnaire au juge pour le mariage des mineures alors que l’âge du mariage est fixé à 18 ans. L’article 16, relatif à la notification des actes de mariage, laisse la porte ouverte au mariage des mineures et à la polygamie, sans que la victime ne puisse aller en cassation. Bien que le code de la famille reconnaisse l’égalité des époux en droits et en responsabilités, les dispositions de l’article 233 accordent la tutelle légale au père. Concernant le partage des biens, les modalités doivent être fixées dans le contrat annexe au contrat du mariage. Mais ce dernier n’est pas obligatoire et, en cas de divorce, le fait de devoir produire une preuve à la contribution du patrimoine familial est souvent impossible à démontrer pour les femmes. Concernant le divorce, les femmes ont depuis 2004 le droit de demander le divorce au même titre que l’homme. Cependant, certains articles (94-97), sont sujets à détournement et utilisés pour pénaliser les femmes qui demandent le divorce.
Par ailleurs, l’étude réalisée par l’ADFM sur les arrêts rendus par la Cour de cassation en matière d’application du Code de la Famille a démontré que ces arrêts n’étaient pas toujours alignés sur les dispositions constitutionnelles.
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Pensez-vous qu’une réforme des lois sur l’héritage au Maroc est possible?La réforme des lois sur l’héritage au Maroc n’est pas seulement possible, mais elle doit avoir lieu. Cette réforme s’adresse à tous, car l’inégalité successorale a un impact négatif sur toute la société. Les familles aisées lèguent, les familles défavorisées qui ont beaucoup d’enfants et très peu de choses à léguer, laissent après le décès du pater familias, les épouses et les filles en situation de grande précarité et vulnérabilité. Ceci est extrêmement injuste, d’autant plus que dans notre société, les femmes constituent un véritable filet social pour leurs familles et parents. Il est donc normal qu’elle hérite comme l’homme.
Sous quelle forme doit se faire le partage de l’héritage?Le partage de l’héritage doit respecter le principe de l’égalité entre les sexes, un point c'est tout.
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Que proposez-vous ?Une étude nationale sur l’impact socio-économique de l’inégalité successorale dans notre pays. Sur la base des résultats de cette étude, il faudrait entamer un débat public serein pour intégrer l’égalité successorale dans le Code de la famille. Le Maroc ne peut atteindre les objectifs de développement durable en 2030 que si tous les citoyens et citoyennes disposent des même droits et peuvent en jouir de manière égale. Pour ce faire, il faut sans plus tarder harmoniser les lois avec la Constitution et les conventions internationales, intégrer le principe de l’équité et de l’égalité entre les sexes dans les politiques publiques et promouvoir la culture de l’égalité à travers une stratégie de communication et de sensibilisation adaptée aux différentes catégories de la population.