Les chefs des groupes parlementaires de la première chambre du parlement se sont réunis en catastrophe, il y a quelques jours. Ce conclave n'a pas eu pour objectif de plancher sur les répercussions des récentes grèves et autres manifestations de protestation des commerçants contre l’imposition de la facture électronique par la Direction générale des impôts, mais pour débattre de la ponction, à la fin du mois, d’une partie des salaires de plus d’un million de fonctionnaires, dans le cadre de la réforme de la Caisse Marocaine des Retraites.
Ils se sont retrouvés, en fait, écrit l’éditorialiste d’Al Akhbar dans le numéro de ce jeudi 10 janvier, à s’occuper de leurs propres affaires.
Les chefs des groupes parlementaires, toutes tendances politiques confondues, ont, en effet, décrété cette réunion d’urgence pour relancer le processus de sauvetage de leur propre régime de retraite en faillite. Ils comptent même faire adopter la réforme de ce régime en catimini, avant la fin de la session parlementaire, souligne l’éditorialiste d’Al Akhbar.
Pour le journal, il n’y a pas plus opportuniste, ni plus méprisant, pour l’institution constitutionnelle que de se retrouver avec une caste de parlementaires qui ne pensent qu’à assurer leur avenir, quitte à en faire la première de leurs priorités.
Les députés ont donc décidé de ne pas bouger un seul doigt pour stopper les rétentions sur les salaires des fonctionnaires, au contraire, ils ont applaudi la décision de l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, qui les a instaurées.
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Ils n’ont pas non plus pris la peine de soutenir les syndicats en faisant pression sur le gouvernement pour rehausser le pouvoir d’achat des citoyens. Ils n’ont rien fait, non plus, pour inciter le gouvernement à réduire la pression fiscale qui grève les revenus de 12 millions de salariés et fonctionnaires du privé et du public.
Le Parlement n’a rien fait, non plus, pour stopper l’envolée des prix des produits et biens de consommation. Mais il se met en branle quand il s’agit de légiférer afin garantir la rente politique de ses membres, écrit le quotidien casablancais.
Le comble, c’est que le parti au pouvoir au gouvernement, le PJD, qui prend d’une main dans la poche des fonctionnaire ce qu’il verse, de l’autre, comme retraite pour un mandat électif, a mené une propagande tous azimuts, criant haut et fort qu’il avait déposé une proposition de loi pour liquider le régime de retraite des députés.
Ce même parti n’a pas hésité à changer d’avis et de position, sacrifiant sa proposition de loi sur l’autel du consensus. En réalité, ce parti ne peut plus vivre sans ses privilèges et avantages en nature, qui ont perverti ses membres au point de renier leurs valeurs et leurs principes.
La question qui se pose, note l’éditorialiste d’Al Akhbar, est de savoir comment une institution parlementaire incapable de faire face à l’avidité, en privilèges et autres avantages, de ses membres, peut-elle contribuer à la gestion des affaires du pays, défendre les intérêts de ceux qu’elle représente, surtout les couches défavorisées, et mériter ainsi le respect des citoyens.
Sans attendre de réponse, l’éditorialiste conclut avec la conviction, de plus en plus partagée, que l’image du Parlement, mais aussi la confiance que les citoyens ont en cette institution, ne cessent de se dégrader de jour en jour, laissant le terrain au nihilisme.
Le Parlement, assure l’éditorialiste, ne pourra reprendre la place qui lui sied qu’une fois qu’il aura mis un terme à la culture d’opportunisme politique qui le ravage, en se remettant en question et en révisant son mode d’action.
Le Parlement voulu par les citoyens est, en effet, celui qui est proche d’eux, écoute leurs doléances et met leurs intérêts au dessus de toute autre considération.