Zineb El Adaoui a été la première femme magistrate de la Cour des comptes en 1984. En 2004, elle est devenue encore une fois la première femme à présider une Cour régionale des comptes, et non des moindres: celle de Rabat. Aujourd’hui, elle devient la première femme à présider cette juridiction financière.
Toutes ces nominations expliquent sans doute pourquoi Zineb El Adaoui est surnommée "Madame première fois". En 2014, elle est (à nouveau) la première femme à être nommée wali de la région du Gharb et gouverneure de la province de Kénitra. Trois ans plus tard, après un passage éclair à Agadir, cette native du Souss ajoute à son chapelet des postes prestigieux, occupés pour la première fois par une femme, celui de wali inspecteur général de l’administration territoriale. Une fonction qui fait trembler élus locaux et représentants du département de l’Intérieur aux quatre coins du Royaume.
D’ailleurs, à peine avait-elle été nommée, qu’elle se retrouvait en première ligne dans l’enquête sur le retard pris dans l’exécution du projet "Al Hoceïma, phare de la Méditerranée" et qui avait attisé la tension sociale dans le Rif. Cette mission, le roi Mohammed VI la lui a confiée lui-même au cours du Conseil des ministres qui a entériné sa nomination. D’ailleurs c’est son rapport remis le 2 octobre 2017, avec celui de la Cour des comptes, qui a été à l’origine du séisme politique (intervenu quelques semaines plus tard) qui a valu à plusieurs hauts commis d’être banni à vie des postes de pouvoir.
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Ceux qui ont côtoyé Zineb El Adaoui la décrivent comme une femme curieuse, vive d’esprit, doublée d’une travailleuse acharnée. Mais surtout, elle n’est pas le genre de femme à se laisser impressionner par le machisme ambiant dans une administration où le taux de féminisation des postes à responsabilité n’est que de 11%. "Quand elle était wali à Kénitra, un colonel des forces auxiliaires qui avait refusé de lui serrer la main par ‘conviction religieuse’ s’était vu déférer devant un conseil de discipline" nous confie un ancien membre du conseil de la ville de Kénitra.
Et si Zineb El Adaoui arrive à tenir tête à la gent masculine, c’est en la supplantant sur son propre terrain. À ceux qui s’aventurent à actionner le levier de la religion, elle oppose une connaissance de l’islam dont peu de personnes peuvent se targuer. "Lors des funérailles de son père, en 2015, de hauts responsables venus lui présenter leurs condoléances sont restés pantois lorsqu’ils l’ont vue, au beau milieu des fuqaha, psalmodier le Coran aussi aisément qu’eux", nous raconte un de ses proches.
Pourtant, sa maîtrise du domaine religieux –qu’elle doit à un père alem– n’était plus à démontrer. Lors du ramadan 2007, déjà, elle avait fait son entrée dans le club très restreint des femmes ayant animé une causerie religieuse –en l’occurrence autour du thème de "l’économie en islam"– devant le roi Mohammed VI, Commandeur des croyants.
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Avec ses cheveux courts et son expression ferme, Zineb El Adaoui a des allures de dame de fer. Mais en privé cette amatrice de poésie serait d’une tendresse sans bornes, avec ses deux enfants et ses proches. À titre d’exemple, le kick-boxeur Badr Hari, qui a fait sa connaissance lorsqu’elle était wali à Kénitra, s’est pris d’affection pour elle au point de l’appeler "Tati". Dans la bouche d’un champion de 1,98 m pour 120 kg, c’est sans doute la plus grande marque de respect.
Autre anecdote révélatrice: ses démêlés avec la femme de ménage de sa maison de fonction quand elle était wali à Agadir, prise en flagrant délit de vol par la sécurité. Intransigeante, Mme le wali n’a pas hésité une seconde à déférer l’employée de maison devant la justice, mais elle a dans le même temps mandaté à ses frais un avocat pour défendre la femme de ménage, qui avait dérobé des morceaux de viande et quelques verres.
Rigueur et empathie, tel est le credo de Zineb El Adaoui. Il faut compter sur elle pour l’observer scrupuleusement dans la nouvelle institution, maintenant qu’elle a déposé son képi d’agent d’autorité pour remettre sa robe de magistrate.